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Drug Stories

17 août 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 1

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 1
Chroniques de la fin d'un monde - Chapitre 1 LUCA 04 juin 2014 Papa dit qu'il faut pas aller dehors. Ça fait trois jours que je reste à la maison et je m'ennuie un peu. Gilles me manque. Et Louise aussi. Papa m'a dit qu'ils restaient chez eux parce que...
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8 octobre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - EPILOGUE (Note au lecteur)

Chroniques Blog

Note au lecteur

 

 

 

Nous venons de présenter ici au lecteur un ensemble de textes recueillis sur le site même du dernier mouvement. La façon dont ces textes ont été rapatriés importe peu mais il semble judicieux d'indiquer le lieu approximatif de leur découverte. Tous ont été trouvés dans une zone de haute prolifération située dans l'hémisphère nord de la planète B213-n de type 4 dans ce qui s'appelait alors Europe de l'ouest. Ce détail géographique doit son importance au fait que la dite Europe reste le berceau des grandes civilisations mécaniques et industrielles de la planète. L'impact du mouvement sur cette région donnée doit donc être analysé de cette perspective particulière. La chute de la civilisation n'en étant que plus symbolique et traumatisante.

Cet ensemble de textes que vous venez de lire a une portée historique, politique et littéraire. Historique car les témoignages rassemblés dans le présent ouvrage offrent une vue imprenable sur un peuple à une époque donnée, dans un contexte donné. Ces témoignages de premier plan sont absolument nécessaires pour compléter le travail rigoureux des historiens qui souffre d'un mal propre à l'histoire : le détachement de toute expérience subjective. Qu'est l'Histoire sans le commentaire de ceux qui l'ont vécue ?

De plus, le peuple visé par ce mouvement est censé ne pas avoir d'histoire, selon les membres du Conseil. Après quelques pages, vous comprendrez aisément à quel point nous nions ce fait. Nous offrons donc l'unique espoir à ce peuple de rester dans l'histoire.

Politique aussi car la manière dont sont organisés les mouvements doit être questionnée, remise en compte et l'impact sur les populations indigènes ne peut plus être ignoré. Il y a peu encore, une telle accusation nous aurait valu une peine sévère mais les temps changent, l'urgence se fait moindre et nous sommes de ceux qui espèrent voir les choses évoluer lors des prochaines décennies. Le sort des autres populations ne peut plus être considéré comme un simple dégât collatéral. Il n'est pas question ici de remettre en cause la politique, absolument indispensable, du mouvement mais simplement d'ouvrir une porte sur une polémique qui se doit d'exister pour que nos choix se fassent de la manière la plus saine possible. Nous n'accepterons plus les études privées financées par le Conseil comme seules sources d'informations sur les peuples touchés par le mouvement. Nous ne sommes plus dupes et nous demandons à ne pas être pris pour des idiots, ce qui est une requête que nous estimons légitime. Le lecteur jugera. D'autant mieux après avoir partagé l'expérience intime des personnages de ce livre.

Littéraire enfin car les qualités d'écriture de ce peuple doivent être reconnues et appréciées à leur juste valeur. Nous ne parlons pas des écrivains professionnels de cette civilisation ici mais bien de gens ordinaires qui ont pris la plume sous le coup de faits extraordinaires et traumatisants.

Nous vous avons proposé trois narrateurs d'âges différents, de sexes différents (après recherche, ce peuple n'a que deux sexes) et qui ont des rôles sociaux différents. Chacun possède son style et des références à d'autres livres (le Commissaire Super, dont nous n'avons malheureusement trouvé aucune trace) sont présentes.

La syntaxe ; le lexique ; le style. Tous les éléments d'un peuple littéraire sont présents. Et nous tenons à vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'écrivains professionnels.

Au vu de cette variété, il est indéniable que la tradition littéraire locale était très forte et installée depuis plusieurs millénaires. Cela nous offre l'occasion de revenir sur la question politique. Qui croit encore que ce peuple en particulier n'était qu'un troupeau d'animaux sans conscience? Qui est assez dupe pour boire les paroles du Conseil ? Sans remettre en question la politique du mouvement que, rappelons le, nous appuyons de tout notre cœur, pouvons nous espérer ne plus être pris pour des analphabètes par nos dirigeants ?

 

Refermons cette parenthèse politique pour donner un dernier détail sur le corpus de textes. La langue d'origine a été respectée dans le texte et choisie pour la présente préface. La traduction instantanée est disponible via n'importe quel datapad. Il s'agit d'un choix esthétique de la rédaction.

La mise en page a, bien entendu, été retravaillée pour une meilleure expérience de lecture. Les trois corpus ont été découpés en plusieurs sections après décision du comité de lecture.

 

Bonne lecture. Nous rendons hommage aux auteurs et à leur civilisation.

7 octobre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 23

Chroniques Blog

DAVID

 

 

Rapport 31/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

 

 

Sergent David Fresnes.

 

15/06/2014

 

 

On a atteint la sortie il y a une heure. Il n'y a personne dans les parages. Le ciel est gris-blanc, comme en hiver. Il fait froid et on a faim. Le quartier est désert. Il y a quelques habitations mais c'est globalement une sorte de zone industrielle ou commerciale entourée de campagne. On va grimper le long d'une route sinueuse pour avoir une vue sur le lac et sur la ville. Puis on va chercher à manger.

Miligrom a l'air totalement découragé. Il ne dit plus un mot et décolle rarement son regard de ses chaussures. Il n'y a rien de plus ici. Nous avons échappé au danger pour nous retrouver dans un coin mort avec encore des cadavres partout. Pas l'ombre d'une âme. Je ne sais pas ce qu'on va faire ensuite. La lassitude est là, pesante, plus présente à chaque pas.

« On est sauvés mais on est dans la merde. » dixit Miligrom.

 

Je lui ai demandé d'où ça venait son nom « Miligrom », ça m'a toujours paru bizarre. Il m'a dit : « Qu'est ce que ça peut foutre ? Je suis la dernière génération et ce nom va bientôt disparaître, quoi qu'il veuille dire. »

J'ai voulu répondre un truc positif du genre « Mais non, tout va bien se passer. » mais même moi je n’y croyais pas. Je n’ai rien dit.

On va monter voir le lac et après, on va chercher de l'alcool. Je crois que c'est bien plus urgent que de la nourriture.

 

 

On est en haut de cette colline. Des choses tombent du ciel en perçant les nuages. Des sortes de capsules blanches. Elles viennent s'écraser dans les eaux noires du lac, autour de la machine près de laquelle on est passés avec le bateau. Il y en a des centaines. Les nuages gris sont parcourus d'éclairs argentés. C'est magnifique. C'est le début de la fin pour nous. Ils arrivent par milliers.

Les capsules refont surface au bout d'un moment et restent là, comme des bouts de bois flottant sur un cours d'eau. Elles s'approchent lentement des rives du lac. Certaines y sont déjà. Je ne suis pas sûr de bien voir ce qui se passe mais je mettrais ma main à couper que des créatures en combinaison débarquent aux abords de la ville.

J'aimerais tant savoir qui ils sont et d'où ils viennent. Autant que eux veulent nous voir disparaître. On est comme une colonie de fourmis qui se fait détruire par une famille sur une aire de pique-nique, au bord de l'autoroute. Des choses gênantes qui ne valent même pas la peine qu'on s'adresse à eux. Un coup d'insecticide pour tuer la masse puis on finit les survivants en les écrasant un par un.

Miligrom avait raison, nous sommes la dernière génération des hommes. Nos noms vont disparaître et tous nos livres, nos films, nos poèmes, nos actes héroïques, nos trahisons, nos enfants, nos rêves, notre histoire et toute notre civilisation vont sombrer dans l'oubli et n'auront servi à rien.

 

Miligrom s'est assis. Il fume une cigarette en regardant la fin du monde. Je ne sais pas pourquoi mais ça me donne envie de rire. On est vraiment dans une sacrée merde mais on y est tous les deux et c'est déjà pas mal. On a survécu par erreur mais on est là, à les regarder arriver. On sait ce qu'ils font, on les voit et on emmènera leur secret dans nos tombes.

 

Le ciel il y a des capsules au dessus on va se ccher d

 

 

 

 

 

 

DIANE

 

21 juin …

 

La nuit, on peut entendre tous ces gens dans la rue. Il y en a qui crient, d'autres qui chantonnent à voix basse. Ils errent, sans but, malades.

Ils sont monstrueux.

 

Chaque réveil est une bataille. Je n'en peux plus de cette situation.

22 juin

 

Sandra est sortie cette nuit. Elle observait les gens infectés par la baie vitrée de l'hôpital quand d'un coup, elle s'est tendue, a sortie ses jumelles et a poussé un petit cri aigu. Je lui ai demandé ce qui se passait mais elle ne m'a pas répondu. Elle a couru vers la porte d'entrée, l'a ouverte à la volée et a couru vers un bâtiment à quelques centaines de mètres.

Je me suis levée immédiatement pour essayer de la faire revenir mais elle était déjà loin quand je suis arrivée à l'entrée.

Elle s'est postée au coin d'une rue et a hurlé « Antoine ! » à plusieurs reprises. Puis elle s'est engouffrée dans la rue, disparaissant de ma vue.

J'ai refermé la porte en urgence car un petit groupe d'infectés se dirigeait à présent vers l'hôpital.

 

Elle n'est toujours pas revenue. Le soleil se lève.

Peu importe qui était cet Antoine, j'espère qu'il en valait la peine. J'essaie d'être émue par ce qui s'est passé mais je n'y arrive pas. Au diable le Dr Healy. Au diable le reste du monde.

 

25 juin

 

Il y a de la brume partout dehors, la même brume qu'au village. Et presque plus rien à manger dans l'hôpital. Peut-être que Sandra a planqué des réserves quelque part mais je ne me sens pas de faire le moindre effort pour les trouver.

Je passe mes journées allongée, les yeux dans le vague. Mona occupe tout mon esprit et le reste du monde s'évanouit.

26 juin

 

Toute cette brume là bas, à l'extérieur... Et toute cette brume dans mes pensées aussi.

Mona marche dans le jardin, pieds nus. Elle émerge de ce brouillard épais, le sourire aux lèvres. Elle est si belle. C'est une machine à sourire. C'est comme ça que je l'appelais parfois.

Elle marche, vaporeuse et bien sûr, comme c'est un rêve, elle porte cette blessure sur le coté gauche. La où la voiture l'a heurtée, dans la vraie vie. Mais ici, cela n'a pas d'importance, il n'y a plus de douleur, plus de peines, plus de déceptions. Il y a Mona et moi.

Ils n'ont jamais retrouvé le chauffard mais dans mon rêve, cela n'a plus d'importance non plus. Je ne ressens aucune haine ici. Pas comme dans la vraie vie ou mon cœur est enserré par la colère, la rancœur, la sensation de gâchis.

 

 

Quoi qu'il arrive, il y aura toujours Mona avec moi, enfermée dans ma cage thoracique, dans les recoins les plus intimes de mon cerveau, sous ma peau, dans mon sang. Cela ne mourra jamais.

Que la vie n'aie été qu'un sourire de Mona le matin au réveil et elle aura valu le coup. Tout le reste peut bien être effacé.

 

Il n'y a plus rien à manger et je m'en contrefous.

 

 

 

27 juin

 

J'ai entendu des voix dehors. Il y a des gens qui parlent. C'est une langue bizarre. De l'arabe, peut-être ? Aucune idée.

Je ne peux pas voir qui c'est à cause de la brume. Je vais aller voir.

 

Je suis sortie et j'ai fait quelques pas. Il y a bien des gens dans les rues, ils portent des combinaisons blanches. Comme des protections anti-nucléaires ou quelque chose dans le genre. Je ne sais pas qui ils sont mais tant pis, je vais aller à leur rencontre. Je n'en peux plus d'être seule, de me cacher, de me méfier.

La fin approche, qu'elle soit douce ou amère.

 

 

 

6 octobre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 22

Chroniques Blog

LUCA

 

16 juin 2014

 

L'homme qui est monté avec nous me fait peur mais papa, lui, a l'air détendu. Il ne me plait pas avec son masque à gaz. Ça lui fait une drôle de voix.

On l'a vu sur le bord de la route, il y a deux heures de ça. Il marchait avec un gros sac, qu'il trainait derrière lui. Papa a bondi quand il a vu ce survivant. Il paraissait surexcité. Moi, je sais pas pourquoi, j'ai pas aimé le voir là, sur le bord de la route. On était mieux que tous les deux.

On s'est arrêtés et papa a tout de suite insisté pour qu'il monte. La vue du masque à gaz n'avait pas l'air de le gêner, lui. Moi, j'ai senti mon ventre se serrer quand j'ai vu cette tête de lézard horrible. On aurait dit un monstre sorti d'un de ces vieux films d'horreur complètement nuls. Mais en bien plus effrayant.

L'homme a répondu : « Merci. Vous avez un tracteur ? Il roule ? »

Sa voix était étrange. C'était surement dû au masque à gaz.

« Oui, il marche, pas une trace d'électronique là dedans, donc oui, il marche. Vous allez où comme ça ? » demanda mon père avec une voix suraiguë que je ne lui connaissais pas.

« Je sais pas. Je marche. »

« Vous voulez monter avec nous ? Il y a une place au fond de la cabine. On va être un peu serrés mais on va pas vous laisser là. On va vers Genève. Chercher des secours. Vous avez vu des gens, vous ? »

« Non, pas vraiment. Je veux bien monter avec vous, alors. »

Il a commencé à monter avec son gros sac. Papa l'a arrêté. « Le sac, par contre, il n'y a pas vraiment la place. Ce sont des choses importantes ? »

L'homme a regardé son sac en toile. « Non, pas vraiment. »

Il l'a laissé sur le bord de la route puis il est monté avec nous. Il faisait un drôle de bruit quand il respirait. Papa a commencé à parler à toute allure mais l'autre lui a dit : « Je suis désolé mais avec mon masque j'ai beaucoup de mal a parler. »

Papa a opiné de la tête et s'est tu. Il ne lui a même pas demandé pourquoi il avait ce masque sur le visage.

L'homme m'a regardé et je suis sûr que sous son masque, il a souri. Je ne l'aime pas. Il me fait peur.

J'ai remarqué que sur sa veste, il y avait écrit « Jackson » dans un des replis. Je lui ai demandé ce que ça voulait dire. Il a ri. « C'est pour Michael Jackson, je suis un grand fan ! » et il a ri encore plus fort. Papa a ri lui aussi.

Moi, ça ne m'a pas fait rire.

 

Il me regarde écrire. Son masque à gaz, ça lui fait vraiment une tête terrifiante. J'aimerais bien qu'il l'enlève mais il dit que, lui, il peut pas. Il mourrait sinon. Papa a finalement demandé s'il le portait depuis le début des événements et l'autre a répondu que oui.

Il doit avoir le visage super sale en dessous si il s'est pas lavé la tête depuis tout ce temps. J'ose même pas imaginer. Finalement, je préfère qu'il  garde son masque.

 

La nuit tombe. Je vais essayer de dormir en pensant à une chose que j'aime bien.

 

Maintenant, je suis sûr que tout va s'arranger.

 

 

 

5 octobre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 21

Chroniques Blog

DIANE

 

20 juin / Diane

 

J'ai fait des cauchemars toute la nuit. Emmanuel venait me voir, déguisé en rat. J'étais attachée à un lit, je ne pouvais pas bouger. Il faisait des blagues incompréhensibles et rigolait tout seul. Des vers lui sortaient du nez mais ça ne semblait pas le déranger. Il y avait toutes sortes de couteaux et d'outils de torture à coté du lit. J'attendais avec effroi qu'il s'en serve sur moi mais il restait juste là, à coté du lit, à faire des blagues qui n'avaient aucun sens pour moi. J'attendais dans l'angoisse et la peur mais il ne se passait rien. Et lui, riait et riait. La torture ne venait jamais. Puis, au bout d'un moment, il a eu l'air d'en avoir marre et il m'a laissée là, seule, attachée au lit, dans le noir. Je ne pouvais distinguer que les lames des couteaux dans l'obscurité. Je savais qu'il ne reviendrait jamais et que je resterai là, attachée à ce lit pour toujours.

Je me suis réveillée plusieurs fois en sueur. Le Dr Healy était là, à me regarder, les yeux noyés dans les cernes. Je l'ignorais et replongeais dans le même cauchemar, sans cesse.

 

Sandra a essayé de me faire parler ce matin mais je n'en ai pas envie. J'ai trop peur de commencer et de ne pas pouvoir m'arrêter. Je ne veux pas parler d'Emmanuel. Je veux oublier tout ça.

Je crois qu'elle comprend, elle n'a pas trop insisté. Elle est partie de la pièce un moment et est revenue avec deux cafés chauds. Elle m'a dit qu'elle faisait du feu dans la salle d'attente avec les chaises en bois. C'était le premier café que je buvais en quinze jours. Je n'ai jamais autant apprécié cette boisson. Même sans sucre. Ça m'a un peu tiré de ma léthargie. Elle en a profité pour essayer à nouveau de parler avec moi. Elle m'a demandé d'où je venais avec ce vélo. Je n'ai rien dit. J'ai haussé les épaules. Elle m'a dit que je l'avais échappé belle. J'ai alors repensé aux rats géants de la veille. Je l'ai regardé, l'air horrifié. J'ai murmuré « Les rats… »

« Ce ne sont pas des rats, m'a t- elle expliqué, ce sont des gens. La plupart des hommes et des femmes de Nyon sont morts des le premier soir, comme par chez vous, j'imagine. Certains ont survécu, comme vous et moi. D'autres ont...changé. Ils sont dangereux et vous auriez pu vous faire tuer hier. Je ne peux pas sortir d'ici la nuit. Le jour, ils restent dans les bâtiments et sortent rarement mais dès que la nuit tombe, ils sont partout. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, je n'ai jamais vu un truc pareil. Je ne sais pas ce qui se passe. Et vous, que savez-vous ? »

Pour seule réponse, j'ai haussé les épaules.

« Je suis coincée là depuis plus de quinze jours. Plus rien ne fonctionne, tout le monde est mort dans l'hôpital, le personnel, les patients... Je suis seule et vous êtes la première personne à qui je parle depuis... depuis tout ça. »

Elle a soupiré. Cette femme paraissait à bout de forces. Elle n'avait pas du beaucoup dormir depuis un bout de temps. Elle m'a fait pitié. Je me suis fait pitié aussi. On était deux fantômes au milieu d'un cauchemar éveillé.

« Je ne sais pas d'où vous venez mais vous n'auriez pas du venir en ville. Les choses sont pires ici. Il n'y a pas de secours, plus de police, plus d'armée, rien que nous. Peut- être y- a- t- il d'autres survivants dans les autres quartiers mais je n'ose pas sortir, même le jour. Je me terre ici. Il y a de la nourriture pour un bon moment. Il y a de l'eau, aussi. Mais il va bien falloir faire quelque chose, non ? »

J'ai repensé aux rats géants, à ces personnes. Je n'avais donc pas rêvé. Quelle horreur. Quelle aberration. Comment cela est-il possible ? Leurs visages... leurs pattes. Mon dieu. Ils m'auraient dévoré si le Dr healy ne m'avait pas sauvée. Je serais morte, loin de toute cette peur, de ce monde horrible. Tout est devenu tellement surréaliste. J'ai l'impression d'avoir pris une drogue hallucinogène et de faire un mauvais trip. J'aurais préféré mourir, hier. Mais telle est ma punition.

« Comment tu t'appelles ? » m'a t-elle demandé d'un air suppliant. Elle m'avait sauvé la vie et j'ai fait un effort. J'ai ouvert la bouche mais aucun son n'est sorti. Je me suis éclaircie la gorge et j'ai repris.

« Diana. »

Elle a souri. Un sourire maigre, pathétique.

« Enchantée, Diana. On est dans la même galère maintenant. Hein ? »

« Ça en a tout l'air. »

Je lui ai raconté mon histoire. Comment tout avait commencé de mon côté. L'après-midi chez ma sœur qui avait tourné à l'horreur. Tout le monde mort au milieu de cette tempête de poudre noire. La fuite sans but, les nuits interminables dans des maisons avoisinantes. L'homme de Jackson. Mais je n'ai pas parlé d'Emmanuel, je n'ai pas pu.

Elle a écouté sans rien dire. Elle espérait peut-être plus d'infos mais je n'avais rien à lui donner. Je n'en savais pas plus qu'elle. Elle a dit qu'elle était désolée pour ma sœur et le reste de ma famille. Je lui ai demandé si elle avait des nouvelles de sa famille. Elle m'a dit que non, l'air morne.

« Ils doivent être morts à l'heure qu'il est. Au fond, c'est ce que je leur souhaite. Tu comprends ? »

J'ai acquiescé. Bien que pour ma part, j'aimerais que Mona soit à mes côtés. Égoïstement.

Le Docteur Healy s'est levée et m'a demandé si je voulais voir quelque chose. Je n'ai rien répondu mais je l'ai suivie. Elle a ouvert la porte de la pièce où l'on se trouvait, a regardé à droite puis à gauche en passant la tête et elle a dit : « C'est bon. Ça risque rien la journée mais on ne sait jamais. »

On a suivi un couloir sombre jusqu'à la salle d'accueil de l'hôpital. De là, un escalier montait vers les étages dans le silence et l'obscurité. Sandra l'a emprunté en me faisant signe de la suivre. Ce que j'ai fait. Il y avait plein de matériel médical renversé dans les escaliers. Peut-être les traces de la panique qui avait du submerger les gens lors de la première tempête. Sandra a pointé des aiguilles de seringues sur le sol et m'a dit de faire attention. On était au troisième étage quand elle s'est arrêtée sur le palier. Elle a mis un doigt sur sa bouche et a tendu l'oreille. J'ai retenu mon souffle pour écouter mais je n'ai rien entendu sinon le souffle du silence sur mes tympans. Elle est restée là pendant au moins cinq longues minutes puis elle a dit : « Non, c'est bon, ce n'est rien. »

On a continué à monter jusqu'au petit escalier de service qui menait jusqu'au toit. Elle a ouvert le cadenas avec une clef qu'elle avait dans une de ses poches et a fait grincer la porte de fer gris. Le ciel noirâtre m'a explosé au visage. Le temps se faisait de plus en plus étrange. Il faisait aussi de plus en plus chaud comme si les lourds nuages sombres gardaient la chaleur à la surface de la planète.

Sandra s'est postée dans le coin ouest du toit, appuyée au parapet de sécurité. Elle a sorti une paire de jumelles de sous sa blouse blanche. « Viens voir, ils sont là. » Elle m'a tendu les jumelles et a pointé son doigt vers l'entrée d'un grand bâtiment de verre, à deux rues de là.

J'ai regardé. Il y avait trois créatures à têtes de rats dans l'embrasure de la grande porte de verre. Leur nez s'était allongé de manière dramatique et leur peau avait virée au marron par un quelconque processus contre-nature. Des poils noirs leur sortaient des joues, en désordre. C'était plus des caricatures qu'une imitation. Ils ne ressemblaient à rien de précis, juste des monstres. Ils n'avaient pas grand chose à voir avec des rats, finalament. Ils se tenaient là, fixant la rue. Tous les trois se rongeaient les ongles anxieusement. Ils tiraient sur leurs ongles comme un lion arrache un gros morceau de viande d'une proie. Leurs doigts étaient rouges de sang. J'ai eu envie de pleurer et malgré le dégoût qu'ils m'inspiraient, j'ai eu pitié d'eux en les voyant. Tous ces gens auraient du mourir.

Ils paraissaient attendre quelque chose. Sandra avait du prévoir ma question car elle commenta, dans mon dos : « Ils attendent la nuit. Ils ne peuvent pas sortir le jour, on dirait qu'ils ont peur de quelque chose. Les pauvres bougres. Ils ont été mutilés par ce produit, cette poudre noire. La nuit, ils rodent sans but. Ils s'ignorent complètement les uns les autres, c'est étrange. Certains se mettent à courir de manière frénétique et disparaissent au coin de la rue, d'autres passent la nuit à regarder à l'intérieur d'une voiture, sans bouger le petit doigt. Je les ai observés plusieurs nuits. Ce sont des âmes perdues. »

J'ai continué à les observer avec les jumelles pendant un certain temps, comme fascinée par ce spectacle incroyable. Ils continuaient à se ronger ce qui leur restait d'ongles. Puis, j'ai fini par être écœurée et j'ai rendu les jumelles à Sandra.

On est redescendues en silence. Arrivées en bas, elle a dit :

« J'ai autre chose à te montrer. »

On s'est dirigées à l'opposé de la salle où l'on se trouvait ce matin, vers les labos. Je lui ai demandé ce qu'elle avait fait de tous les corps. Elle m'a répondu d'un ton froid : « L'incinérateur. Il marche aussi au feu de bois, à l'ancienne. »

On est arrivées à la section des labos. Tout était plongé dans le noir. Sandra a ouvert une porte et a commencé à allumer des bougies avec un briquet. Alors que la lumière orangée envahissait la salle remplie de microscopes, de flasques, de bouteilles aux étiquettes éloquentes, il me semblait qu'elle m'avait amenée dans un lieu de culte d'une secte de détraqués. Il y avait une aura qui se dégageait de ce décor, je ne saurais pas l'expliquer. Quelque chose de profondément fascinant. Comme pour faire écho à mes pensées, Sandra dit solennellement : « Voici mon antre. »

Elle s'est installée derrière un microscope. Elle a mis une pile dans une sorte de système qu'elle avait du bricoler je ne sais trop comment et elle connecta la chose à un fil dénudé sortant du microscope. Il s'alluma. « C'est la dernière pile qui fonctionne. J'en ai essayé plus de trois cents. Toutes les réserves. Il y en avait trois en état de marche mais quasiment vidées. Je ne sais pas qui a fait ça et ce qu'ils ont envoyés mais c'est rudement efficace pour mettre tout un pays sur les genoux. Plus rien ne marche. Plus rien. »

Elle a posé son œil sur l'embout en plastique noir, a rajusté la plaque de verre sous la lentille puis elle m'a cédé la place en m'invitant à regarder. Je me suis assise et j'ai planté mon œil vers ce qu'elle avait disposé sur la plaque de verre.

Ça ressemblait à des cellules. Enfin, aux images de cellules dont je me rappelais dans les manuels du lycée. Elles avaient une forme ovale, toutes collées les unes aux autres. Elles bougeaient. « C'est quoi ? » ai- je demandé, l'œil rivé sur ces formes étranges.

« C'est un échantillon de cette poudre noire. Frais de ce matin. »

J'ai relevé la tête. Ça me mettait mal à l'aise de regarder ce truc là. Je ne sais pas pourquoi. J'en ai mangé des kilos la nuit où je me suis enfuie de la maison avec l'homme de Jackson. Alors, un tout petit peu sous un télescope… Mais je ne sais pas, ça m'a mis dans un drôle d'état. Sandra l'a perçue et a continué. « J'ai fait tout un tas d'examens sur mon sang. Je n'ai absolument rien. Ça n'a aucun effet sur nous. Ne t'inquiète pas. D'après mes observations, c'est une sorte de bactérie. Elle se multiplie mais seulement au contact de l'air. Dans le vide, elle meurt lamentablement. Bon, ce n'est pas tout. Elle se multiplie au contact de l'air mais elle a un comportement que je n'explique pas. J'ai placé un échantillon dans un bocal rempli d'air, c'est à dire de l'oxygène, de l'azote et des gaz rares. Au bout de trois jours, l'azote avait disparu, remplacé par du méthane en quantité égale. Comment s'effectue cette transformation, mystère. Mais c'est du à la poudre noire. Sans aucun doute. »

« Je ne vois pas ce que ça nous apprend. Ça tue les gens, non ? Pourquoi ? »

« Ça tue les gens à cause d'un élément présent dans la cellule et qu'elle libère dans l'air. Franchement, je n'ai pas le matériel nécessaire pour en savoir plus. Ni les connaissances, je ne suis qu'une infirmière. Mais le plus important dans tout ça, Diana, ce n'est pas que les gens meurent. »

« Comment peux-tu dire ça ? Qu'y a-t-il de plus important ? »

« Le plus important est que cette poudre, comme on l'appelle, est en train de modifier profondément l'atmosphère de la Terre. Tu comprends ça ? Si l'attaque a été mondiale, il faudra quelques mois, peut-être moins, pour que l'air que l'on respire soit totalement toxique. Pour nous, pour les animaux, pour les végétaux. Tu comprends ce que ça veut dire ? Les gens qui ont envoyé cette merde ici veulent détruire toute trace de vie sur la planète. Ils veulent transformer cette planète. »

Je n'ai pas tout de suite réussi à assimiler ce qu'elle venait de dire. Je suis restée muette devant elle, l'air stupide. Je trouvais ça incroyable, surréaliste. Idiot.

« La mort des gens est un dégât collatéral de ce processus. Nous ne sommes pas en guerre. Il n'y a pas de soldats, pas de tanks, pas de missiles. »

« Mais qui fait ça alors ? Qui voudrait ça ? Tu dis n'importe quoi ! »

« On en reparlera un peu plus tard quand tu auras digéré tout ça. Cette poudre va transformer dramatiquement l'atmosphère et la plupart des espèces vivantes vont mourir. Ce n'est pas quelque chose que j'extrapole. Si les tempêtes continuent et que la situation est mondiale alors c'est ce qui va se passer. Je ne suis sûre ni de l'une ni de l'autre de ces deux hypothèses mais ça donne à réfléchir, non ? »

Elle a éteint le microscope et a commencé à éteindre les bougies une par une. On est sorties du labo pour rejoindre la petite salle où le feu crépitait encore. Je n'arrivais pas à réfléchir, j'avais l'esprit vide. Elle m'avait montré beaucoup de choses terribles ce matin et je crois que mon cerveau avait besoin de court-circuiter tout cela.

Maintenant que j'y ai repensé à froid, j'essaye de trouver qui pourrait faire cela. Qui aurait intérêt à faire cela. La seule réponse que j'ai trouvée est trop stupide pour que je l'écrive ici. Mais c'est la seule qui soit logique.

 

 

 

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4 octobre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 20

Chroniques Blog

DAVID

 

 

Rapport 28/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

Sergent David Fresnes.

 

10/06/2014

RAS. On reste tranquilles sans faire de bruits. La rue en bas est calme. Deux créatures sont passées ce matin mais elles ne se sont pas arrêtées.

On a trouvé un jeu de dames. On y joue en silence.

 

Rapport 29/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

Sergent David Fresnes.

 

13/06/2014

 

Ça fait trois jours qu'on est là. On commence à tourner en rond. Ça a l'air de s'être calmé en bas. Demain, on s'en va d'ici. L'objectif est de sortir de Genève le plus vite possible. Miligrom a suggéré d'emprunter le métro. Ils ont fini de construire les premières lignes il n'y a pas longtemps. Si on marche jusqu'à un terminus, on sera aux limites de la ville. C'est une bonne idée, c'est beaucoup moins risqué que de passer par les rues.

On a réussi à déchiffrer le nom de la rue dans la quelle on se trouve sur le mur d'en face. Avec une carte de la ville qu'on a eu la chance de trouver dans la bibliothèque de l'appartement, on a pu se repérer. On est dans le centre mais on est pas loin d'une bouche de métro. On peut récupérer la nouvelle ligne qui va jusqu'à Bernex, au sud-ouest de l'agglomération. Il y en a pour un peu moins de 10 kilomètres en marchant, c'est largement faisable.

Si on atteint l'entrée sans se faire repérer, il faudra prier pour qu'il n'y ait pas de créatures en bas. Ensuite, on aura qu'à marcher sur les rails jusqu'au terminus.

Ce qu'on fera ensuite, une fois sorti de Genève, on n'en a pas la moindre idée. Mais c'est une autre histoire.

Je ne peux pas dire comment se sent Miligrom, on a peu parlé depuis deux jours. La peur nous enlève l'envie de discuter. Je crois que ça va à peu près Je ne sais pas. Moi, ça ne va pas vraiment. Je n'ai jamais été traqué et j'ai beau être un militaire, ça ne veut plus rien dire. Je suis un type ordinaire, apeuré, dans une situation qui le dépasse complètement. Je ne peux pas en dire plus.

 

Rapport 30/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

 

Sergent David Fresnes.

 

14/06/2014

J'écris ce rapport à la lueur d'une bougie dans un tunnel de métro. Il fait froid, noir et l'odeur de la mort devient insupportable.

Nous avons bien préparé notre course jusqu'à l'entrée du métro. On a couru sans se retourner et sans croiser personne. Arrivés à une centaine de mètres, on a aperçu un humanoïde en tenue blanche qui se tenait près de l'entrée. Tout en courant, j'ai levé mon arme et j'ai tiré. L'homme s'est écroulé sans un bruit. Je crois bien que je l'ai tué. C'est la première personne que je tue.

La détonation a du s'entendre a des kilomètres. L'écho est incroyable dans une ville déserte.

On a continué à courir sans se poser de questions et on a plongé tête baissée dans la bouche de métro. On s'est retrouvés happés par l'obscurité. On a continué notre course folle, dégringolant les escaliers comme deux fous. J'étais prêt à tirer à l'aveuglette au moindre bruit suspect. Je crois qu'on est tombés tous les deux à peu près au même moment. On a fini notre sprint au bas d'un escalier, enchevêtrés l'un dans l'autre, haletant comme des bêtes pourchassées.

Miligrom a allumé son briquet. On a jeté un regard vers la lumière en haut mais personne ne semblait nous avoir suivis. Autour de nous, l'entrée de la station se devinait, un guichet à droite, des affiches sur le mur de gauche, des tourniquets. Un silence glacial et une odeur de cadavre qui aurait donnée des nausées à un médecin légiste. On s'est relevés rapidement et on a sauté par dessus les tourniquets. On a couru le long des couloirs en céramique blanche, prêts à ouvrir le feu à la moindre opposition.

On est arrivés sur les quais sans croiser personne. On a soufflé un instant et j'ai allumé une bougie pour avoir plus de visibilité qu'avec le briquet. L'odeur devenait insoutenable. On a avancé un peu le long du quai et l'horreur s'est révélée à nous, dans la demi-lumière vacillante de la bougie que je tenais à la main.

Une pile gigantesque de cadavres s'empilait jusqu'au plafond. Bien serrés en rangs ordonnés. Des cordes rouges de sang les maintenaient ensemble. Miligrom s'est retourné et a vomi bruyamment. Je me suis retenu mais j'ai senti mes jambes me lâcher. Je me suis assis, la main sur la bouche. Il devait y en avoir des centaines, tout le long du quai. C'était un spectacle immonde, révoltant. On aurait dit des piles de journaux.

Miligrom est revenu vers moi, blême. On s'est regardés, interloqués. Il a juré mais sans enthousiasme comme si le langage, même les injures, restait inopérant devant une telle barbarie.

« Il ne faut pas rester là. » m'a dit Miligrom d'une voix faible et sèche. Et il avait plus que raison.

On a sauté sur les rails et on est partis sur la gauche en direction de la station suivante, vers le sud. Le tunnel semblait vide mais il était plongé dans un noir impénétrable et je m'attendais à tomber sur une surprise tous les mètres. On a marché lentement, écoutant les bruits. Il y avait des clapotis et des petits animaux, sûrement des rats, qui s'enfuyaient à notre venue. Sinon, rien, le silence total uniquement brisé par le bruit de nos pas sur les cailloux qui recouvraient le sol.

On est arrivés à la station suivante assez rapidement. L'odeur était encore plus forte. J'ai tendu la bougie vers le quai. Des corps par centaines se tenaient là, empaquetés comme des vieux livres. Les créatures se servent des sous-sols pour se débarrasser de tous les morts.

J'ai vite ramené la bougie vers les rails et on est vite reparti dans les tunnels.

Plus loin, on a croisé une rame de métro bloquée au milieu de la voie. On l'a contourné sans faire de bruit, aux aguets. On a regardé par les fenêtres à la lueur de la bougie. Tout le monde était mort à l'intérieur. Les gens étaient par terre, roulés en boule ou bien vautrés sur les sièges en plastique dur.

On a continué sans un commentaire. Que fallait-il dire de toute façon? Tout cela est absurde, horrible mais il n'y a pas vraiment de place pour les larmes.

Cela a pris plus de temps pour arriver à la station suivante. L'odeur ne faiblissait toujours pas et le quai avait aussi été transformé en charnier. On allait repartir quand Miligrom m'a fait signe de me taire. J'ai éteint la bougie et on a tendu l'oreille. Des bruits de pas nous parvenaient des escaliers de la station, plus haut. On s'est accroupis dans le noir au bout du quai. On pouvait fuir facilement si il se passait quelque chose et on pouvait jeter un œil discrètement vers le quai pour voir de quoi il s'agissait. Peut-être des survivants. C'est ce que j'ai pensé tout de suite mais mieux valait rester prudent.

Une lumière se fit. Faible puis de plus en plus intense à mesure que deux hommes – ou trois, difficile à dire- arrivaient. Ils parlaient dans cette langue étrange que nous avions pu entendre dans les rues de Genève. Ce n'étaient pas des survivants.

Ils sont arrivés sur le quai avec une sorte de petite lanterne. Ils étaient deux et portaient les mêmes combinaisons blanches que les autres. Ils parlaient doucement, respectueusement en regardant le tas de cadavres devant eux. L'un d'eux a fait un signe de la main en leur direction. Une sorte de rond. Il a ramené sa main sur son cœur et a crié un truc dans ce genre : « Yak ! ». L'autre s'est mis à genoux et a répété l'étrange onomatopée, mais très faiblement.

Le premier s'est avancé près d'un cadavre et a plongé une petite lame de fer dans son bras. Du sang s'est écoulé, pâteux. L'autre a sorti un petit récipient et l'a récolté. Le sang était tout coagulé. Ils ont regardé l'échantillon à la lumière de la lanterne et ont échangé quelques mots.

Puis ils sont repartis.

« Tu es sûr que ce sont des extraterrestres ? » m'a demandé Miligrom, une fois le silence revenu.

« Je n'en sais rien. Tu as bien vu leur visage, l'autre jour. Ce ne sont pas des humains. »

« Mais… Qu'est ce qu'ils veulent ? Pourquoi font-ils tout ça ? »

Comme Miligrom savait que je n'en savais pas plus que lui, je n'ai pas répondu. Je lui ai fait signe d'avancer et on a continué le long du tunnel obscur. On a marché un bon moment et on a dépassé deux stations. Je n'ai pas vérifié à l'aide de la bougie mais vu l'odeur, je suis à peu près sûr que les quais étaient remplis de cadavres jusqu'au plafond.

Si ce sont des extraterrestres alors, ils nous ressemblent terriblement. A part les bras mal proportionnés et les yeux. J'ai du mal à y croire mais ça paraît une hypothèse sensée. En même temps, nous n'avons eu l'occasion d'en voir qu'un seul de près. Peut-être était-ce un soldat avec des déformations. C'est possible. Un russe, à cause de la langue.

Pff... conneries. Cette langue, ce n'est pas du russe et ces putains de bras, ils les ont tous.

 

On s'est arrêtés et on se repose. Il n'y a pas un bruit, pas une lumière. Je préfère ça. On se sent en sécurité, ici, avec les rats.

Demain, on devrait atteindre le terminus et sortir de la ville. Une fois là-bas, on verra bien ce qui se passera. On a aucun plan. Peut-être essaiera-t-on de rejoindre la France.

 

Je pense à ma famille. Faites qu'ils aillent bien eux aussi. Si Dieu n'est pas devenu complètement fou, alors qu'il les protège.

 

 

3 octobre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 19

Chroniques Blog

LUCA

 

15 juin 2014

 

On a roulé toute la journée. Des qu'il y a des gens morts sur la route, papa me le dit et je ferme les yeux. Mais quelques fois, j'ai ouvert un petit peu pour voir. Quand on est mort, on dirait qu'on dort. Ça a pas l'air si terrible, au fond. A part qu'on existe plus. Mais ça, j'ai du mal à y croire.

Pour passer le temps on a parlé. De tout et de rien. Papa voulait savoir comment finissait le Commissaire Super. Je lui ai demandé quel épisode mais il a dit « Non, comment ça finit, à la fin. Le dernier épisode. »

Et je me suis rendu compte que j'en savais rien. Je ne sais même pas si il y a un dernier épisode. Je ne crois pas qu'il y ait vraiment de fin. Ce n'est pas une question que je m'étais posée. Alors papa a dit que c'était pas grave, j'avais qu'à inventer comment ça se terminait. J'ai dit que j'avais pas trop d'imagination pour les histoires. Alors il a tourné la chose autrement : « Bon, eh bien, d'après toi comment cela doit-il terminer ? Je veux dire, tu as quasiment tout lu, tu dois bien avoir une idée de comment va finir ce vieux Commissaire Super. Non ? »

Alors j'ai pensé. J'ai essayé d'imaginer le Commissaire comme quelqu'un de vrai, qui existe vraiment. Comment pouvait-il finir?

« Je crois qu'à la fin, le Commissaire Super meurt. C'est son fils qui le tue. »

J'ai dit ça comme ça, sans réfléchir. Papa m'a regardé, l'air surpris. « Ah bon ? » il a dit. J'ai haussé les épaules. Il a eu l'air de réfléchir lui aussi et puis il a ajouté : « Je crois que tu as raison. C'était son pire ennemi au fond. Que les autres méchants aient choisi le chemin du mal, c'était leur problème mais son propre fils... Et je suis sûr que dans le duel final, le Commissaire a été incapable de lui tirer dessus. Il aurait pu mais il ne l'a pas fait. »

Ça sonnait bien. Et puis, l'histoire avec son fils, c'était de loin la plus intéressante. Alors, la fin, ça devait être quelque chose comme ça.

 

Ensuite, on a arrêté de parler pendant un moment. La route était vide devant nous, elle s'étendait jusqu'à l'horizon, grise et silencieuse. Quand j'y pense, l'auteur du Commissaire Super, il doit être mort. On ne saura jamais la fin.

 

 

1 octobre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 18

Chroniques Blog

DIANE

 

 

19 juin / Diane

 

Je suis vivante et c'est ma punition. Le Dr Healy essaie de me dire le contraire mais ses mots m'arrivent de très loin, comme si je me trouvais au fond de l'océan et qu'elle essayait de me parler du haut d'une falaise, sur la côte.

Elle m'a sauvé la vie mais elle aurait du me laisser crever. Tout cela fait partie de ma punition. Je ne lui ai pas parlé d'Emmanuel, je peux pas. Je ne lui ai pas parlé du tout. Je n'ai rien dit. Elle me regarde écrire. D'un air douloureux. Dieu sait ce qu'elle a vécu de son côté. Chacun son petit enfer. Elle me laisse tranquille mais elle me surveille. Elle s'accroche à moi, à la seule survivante qu'elle aie vue depuis le début de l'horreur. Elle a des cernes immenses sous ses yeux bleus. Ses cheveux sont gras et sa beauté s'est fanée depuis que des centaines de morts s'entassent dans son hôpital. Je crois qu'elle n'aurait rien pu faire pour Emmanuel de toute façon. Mais, au moins, j'aurai essayé, j'aurai sauvé mon âme qui est perdue dorénavant. Il serait mort entouré d'êtres humains, dans un lit. Pas au bord d'une route déserte, dans la nuit noire et vide.

 

Le Dr Healy veut que je mange mais je n'ai pas faim. Je veux seulement écrire. Je veux écrire et me taire à tout jamais.

 

Les créatures auraient du me tuer. Elles auraient du m'éventrer là, au milieu de cette avenue nauséabonde couverte de cadavres.

Quand je suis arrivée dans le centre, j'ai cru me sentir mal. Tous ces morts, ce silence. Je me sentais comme en transe. Nyon était devenue une ville fantôme puante comme une décharge à ciel ouvert. J'ai avancé lentement avec mon vélo en essayant de faire le moins de bruit possible, tétanisée par la peur. Et les créatures sont sorties sans un bruit des immeubles. Passant une patte, une tête, m'observant. Quand je les ai aperçues, je me suis mise à pédaler plus vite. Et des dizaines sont sorties d'autres immeubles, moins timides. Elles ressemblaient à des hommes mais leurs pattes semblaient faites de cuir noir. Et leur tête avait vaguement la forme de celles de rats. Leurs yeux étaient noirs comme du charbon.

Je ne sais pas si elles étaient vraiment là ou si j'ai halluciné. Des choses comme ça n'existent pas. Ce sont des horreurs tout droit sorties de mon cerveau. Il y en avait des dizaines, qui s'approchaient vers moi. Sans se presser, comme si cette proie était trop facile pour se ruer. Elles faisaient des bruits d'insectes avec leurs bouches et leurs poils épais et gris se hérissaient sur leurs corps.

J'ai pédalé de plus en plus vite tandis que leur nombre augmentait. Une meute s'était attroupée derrière moi et commençait à courir dans ma direction. D'autres sortaient timidement des édifices silencieux pour assister à la scène. J'ai accéléré avec l'énergie du désespoir. Ma tête tournait, les muscles de mes jambes explosaient de douleur, je ne savais plus ce que je faisais, où je me dirigeais. Le groupe de rats géants qui me suivait se rapprochait de moi, je pouvais sentir leur odeur de cadavre en décomposition à quelques mètres dans mon dos. J'étais dans un rêve halluciné. J'ai encore accéléré, au bord de mes limites physiques mais elles se rapprochaient toujours. Et au moment où j'allais abandonner, où j'allais accepter la punition qui m'était donnée pour ce que j'avais fait, le Dr Healy est sortie de son hôpital, à une dizaine de mètres sur le trottoir de droite et m'a fait de grands signes de la main en criant. Je me suis ruée dans cette direction sans plus me préoccuper des créatures, sans plus rien entendre ou voir, juste portée par la dernière étincelle d'énergie qui me restait. Les rats se sont tus d'un coup d'un seul et je me suis retrouvée projetée à l'intérieur de l'hôpital, dans l'obscurité totale, m'étalant de tout mon long dans le hall d'entrée. Le Dr Healy m'a tirée jusqu'à une chambre dont elle a verrouillée la porte et j'ai dormi ce qui m'a semblé être une éternité.

 

Maintenant, j'écris mais je ne parlerai pas. Je ne peux rien dire. Je ne veux pas être là et je ne veux plus vivre. Le Dr Healy n'a pas insisté. Elle m'a dit son nom, m'a donné un peu de pain, que j'ai refusé et depuis, elle attend.

 

Nyon est morte.

 

 

1 octobre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 17

Chroniques Blog

DAVID

 

 

Rapport 26/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

 

 

Sergent David Fresnes.

 

08/06/2014 09 h 00

 

Miligrom refuse de partir d'ici. On est dans un supermarché. On a pu manger un peu mais l'appétit n'est pas là. Toujours la brume et toujours ces bruits titanesques pendant la nuit. La ville tombe en ruines, on dirait. Je regrette d'être venu ici, c'est dangereux et on a aucune visibilité. Miligrom a l'impression qu'on nous épie et je le rejoins là dessus. A cause de la brume, on est totalement paranos. Je crois voir des ombres partout, des choses se déplacer. Mais on a toujours vu personne.

 

On va rester un peu là, le temps de reprendre nos esprits. Peut-être la brume tombera t – elle ?

 

15 h 00

Il y a eu une grande lumière qui a transpercé la brume. Impossible de dire d'où elle venait. Juste une puissante lumière, pas un son. On est toujours dans le supermarché.

Miligrom mange des bonbons. Je lui ai dit que ce n'était pas bon pour ses dents mais il n'a même pas souri. Il a l'air loin de tout. Il ne veut toujours pas bouger. On va rester encore une nuit ici, à l'abri. On a de la nourriture, de l'eau et on est bien cachés.

 

Rapport 27/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

 

 

Sergent David Fresnes.

 

09/06/2014 08 h 00

 

 

Cette nuit des hommes sont venus dans le supermarché. Ils ne nous ont pas trouvés mais on les a vus avec Miligrom. Ils portaient des sortes de tenues blanches anti-radiations. Je ne sais pas trop qui ils étaient mais leurs bras étaient...comment dire ? Disproportionnés. Trop longs pour leur corps. Miligrom l'a vu aussi. Il est sûr que ce n'était pas des humains. Il dit que c'est des extraterrestres.

Je ne sais plus quoi penser. C'est n'importe quoi. Mais en même temps, rien de ce qui se passe n'est normal. Tout est étrange. Leur langage, les tempêtes de sable noir, les bruits de bâtiments qui s'écroulent pendant la nuit, la lumière qu'on a vus l'autre jour.

Il a peut-être raison. Je n'ai pas envie de mettre ça dans un rapport officiel mais c'est une hypothèse comme une autre.

J'ai réussi à motiver Miligrom pour aller de l'avant. Après la visite de cette nuit, le supermarché n'est plus un endroit sûr. Il faut bouger de là.

On a vérifié nos armes, pris des provisions, on est prêts à y aller.

 

 

11 h 30

Miligrom a fait une connerie il y a une heure. Il a cru voir une ombre ou je ne sais quoi dans la brume et il a tiré à tout va, au hasard. Le bruit de son arme a retenti dans les rues vides comme des coups de tonnerre. On est repérés maintenant, c'est certain. Je l'ai attrapé par le bras en lui hurlant d'arrêter et on a couru comme des dingues, sans savoir où on allait. Miligrom n'arrêtait pas de répéter « Ils ont là, ils sont là! » en se retournant mais il n'y avait personne.

On s'est finalement planqués dans un magasin de chaussures.

Ça fait une heure que des faisceaux de lumière balaient la brume. Ils nous cherchent, c'est sur. Miligrom s'est excusé mais sa crise de panique nous a foutus dans une sacrée merde. J'ai déchargé son arme et il n'a pas protesté. Il a juste répété qu'il était désolé. Je n'ai rien dit.

Il faut attendre maintenant et ne pas faire le moindre bruit.

J'écris mes rapports mais je me demande bien à quoi ça sert a part calmer mes nerfs. J'ai la trouille. Que dieu nous vienne en aide si personne ne le fait.

 

 

13 h 00

Il y a des hommes en tenue anti-radiations un peu partout dans la rue. On peut les entendre. C'est chaud pour nous. On les entend parler mais ce qu'ils disent est totalement incompréhensible. Peut-être que Miligrom a raison finalement. Ils ne sont peut-être pas humains. Leur démarche est étrange aussi mais je ne saurais dire si c'est à cause de la brume que j'ai cette impression là.

 

J'ai dit á Miligrom qu'il fallait qu'on sorte de Genève, c'était une mauvaise idée d'être venu ici. Il ne sait plus où on est et il ne peut pas se repérer avec cette maudite brume. On a pas mal avancé dans le centre-ville, ça va pas être facile d'en ressortir avec ces choses qui nous cherchent.

 

14 h 00

Il y a de plus en plus de monde dans la rue. Ils fouillent bâtiment après bâtiment. Il faut qu'on dégage de là. Il y a une sortie derrière. On décampe.

 

16 h 00

J'ai tué une de ces choses. Ce n’est pas humain, ça c'est une certitude.

On est sortis par une porte dérobée à l'arrière du magasin, qui donnait sur une petite allée pleine de poubelles. Il n'y avait personne alors on a filé. On a tourné dans une autre ruelle, un peu plus grande mais déserte elle aussi. Soudain, deux combinaisons blanches ont émergé au bout de la rue. On s'est jetés derrière un container puant avec Miligrom. Ils ne nous ont pas vus car ils ont échangé deux trois mots et l'un est parti à droite tandis que l'autre est venu vers nous.

On est restés cachés jusqu'à ce que la combinaison blanche nous dépasse. Je me suis levé d'un bond et je l'ai assommé avec mon fusil. Il s'est écroulé au sol sans un bruit. J'ai sorti mon couteau et j'ai fait un trou dans la combinaison. La chose s'est mise a se tortiller dans tous les sens, ses bras faisaient des angles ignobles, impossibles à faire pour un humain. C'était horrible à voir, contre-nature. Elle a agonisé pendant quelques instants puis elle s'est immobilisée, morte.

On s'est approchés et on a enlevé le casque de la combinaison qui la protégeait. Miligrom a laissé échapper un « Oh ! » et mon sang s'est glacé. C'était vraiment pas beau à voir. Sa peau était grise comme de la cendre, ses yeux étaient entièrement noirs et sa bouche était à peine plus qu'une ouverture sèche et autoritaire sur son visage. Sur la peau, suintait une fine couche de liquide jaunâtre, horriblement puant. Je ne sais pas si ce liquide était du à la mort ou s'ils ont toujours ça sur la peau. Je ne peux pas le dire.

Je suis resté un moment à regarder cette créature, interloqué puis Miligrom m'a tiré par le bras en me disant qu'il ne fallait pas trainer là. On a abandonné la bête dans l'allée et on a emprunté l'entrée de service d'un restaurant plongé dans le noir. On l'a traversé pour atterrir dans une autre rue vide. On l'a descendu en courant et on est rentrés dans un immeuble au hasard. On a grimpé les quatre étages puis on a défoncé la porte d'un appartement. Il était vide. On a barricadé la porte avec des meubles et on a fini par s'écrouler dans les canapés du salon.

On a soufflé un peu puis on est allés regarder par la fenêtre. La rue paraissait tranquille mais la brume ne nous permettait pas de voir très loin.

Il va falloir rester là un certain temps pour que les patrouilles se fassent plus rares. Dehors, c'est trop dangereux, ils nous recherchent, c'est sûr. Et ce sera pire quand ils trouveront leur copain mort dans la ruelle.

 

Je ne peux pas encore affirmer que ce sont des extraterrestres, ou je ne peux pas l'admettre, je ne sais pas. En tout cas, ce sont des créatures dégoutantes, violentes et cruelles qui ont décimé une population entière en moins de dix jours. Si je dois y passer, ce qui paraît de plus en plus vraisemblable, j'essaierai d'en tuer le plus possible avant d'en finir.

Mais si je peux me cacher et me tirer de là, ce serait pas plus mal.

 

 

30 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 16

Chroniques Blog

LUCA

 

14 juin 2014

 

 

On est dans le tracteur, en route vers Genève. Mais ça a pas été facile de prendre le tracteur la nuit dernière. Je vais essayer de raconter l'aventure qu'on a eu. C'était très terrifiant mais on y est arrivés. Papa c'est vraiment le plus fort.

On est partis de la maison quand la nuit commençait à tomber. Il y avait la tempête de sable noir mais papa a dit que, tant pis, ça nous aiderait à nous cacher des monstres. L'ennui c'est qu'on voyait pas grand chose. Et ça puait horriblement. Alors on a mis des bandanas sur nos visages, comme des bandits dans les westerns.

On est sortis de la maison par derrière pour être les plus discrets possible et on a récupéré la route. Papa s'arrêtait tout le temps pour écouter et regarder. On n'y voyait pas grand chose mais il voulait être sûr de pas prendre de risques. J'étais collé a lui.

On est allés sur la grande route et là on a couru parce qu'on était à découvert (c'est comme ça que Papa a dit). Ça a duré un peu longtemps surtout que c'était dur de courir avec tout le sable qui nous fouettait le visage. Papa me tenait la main tellement fort que j'ai cru qu'il allait me l'écrabouiller.

Puis on est arrivés au petit chemin qui menait à la ferme. Là, on a ralenti et papa m'a dit d'essayer de pas faire de bruit. Mais vu le boucan que faisait la tempête, je vois pas comment on aurait pu nous entendre. On a avancé tout doucement sur le chemin en regardant partout autour de nous mais on y voyait rien de rien. Papa a dit : « La ferme est là-bas, plus haut. » Et il a pointé son doigt droit devant nous mais moi je ne voyais rien du tout dans la nuit.

Finalement, on est arrivés assez près pour qu'on puisse la voir. Un grand bâtiment tout carré entouré de champs. Ça puait encore plus ici. Papa a montré la grange à côté de la ferme et m'a fait signe de pas faire un bruit. Apparemment, les monstres n'étaient plus là. Mais il fallait être méfiant.

On s'est approchés de la grande porte en bois de la grange quand un homme aux yeux noirs est apparu de derrière un mur du bâtiment. Il nous a vus et il a paru aussi surpris que nous. Il s'est avancé, lentement, sans rien dire. Papa a levé son fusil et a crié : « Bouge pas ! Bouge pas ou je tire ! »

L'homme s'est arrêté. On est restés comme ça un moment au beau milieu de la tempête. L'homme a alors dit : « Le vent tourne. » Je ne sais pas pourquoi il a dit ça mais ça a du énerver papa parce qu'il a tiré. En plein dans la tête du monstre. Il s'est écroulé, raide mort. « Viens ! » Il m'a arraché du sol et on est entrés dans la grange. Ça sentait l'herbe séchée. Le tracteur était là, recouvert d'une bâche Papa m'a donné le fusil et a commencé à enlever la lourde bâche en plastique. Le fusil pesait une tonne.

Quelque chose s'est mis à frapper à la porte de la grange. Papa a dit : « Merde. » et il s'est dépêché. Il a fini d'enlever la bâche en moins de trois secondes. Le tracteur était vieux et tout rouillé. Ça a frappé encore plus fort à la porte. J'ai demandé qui c'était à papa mais il a juste dit : « Tire si quelqu'un entre. »

Il a pris un morceau de fer tordu et l'a enfoncé à l'avant du tracteur. Puis il s'est mis à tourner comme un fou pour démarrer la vieille machine. J'étais sûr que jamais ça démarrerait.

Les monstres se sont mis à cogner comme des dingues sur la porte de la grange. J'étais mort de peur et je me suis mis à pleurer. Je n'arrivais même plus à porter le fusil, il pendait par terre, au bout de mes bras. La porte de la grange a craqué. Elle n'avait pas l'air très solide.

Papa continuait à tourner comme un fou mais on entendait juste un petit bruit sortir du tracteur. Il a juré, plein de fois, des trucs terribles que j'écrirais pas ici mais je le comprends, la situation était critique.

Les coups ont redoublé à la porte et papa aussi a redoublé d'efforts pour démarrer le tracteur. D'un coup, la porte a volé en éclats et le moteur a démarré, tout en même temps, comme par magie. Les phares du tracteur ont illuminé la scène en un flash blanc. Deux personnes se tenaient à l'entrée de la grange. Ils ont été aveuglés au début mais ils se sont vite remis et ont commencé à avancer vers nous. Ils avaient les yeux noirs et des bosses plein le dos. Je ne savais plus si je devais sauter de joie ou m'effondrer de peur. J'ai essayé de tirer sur les deux ombres qui se découpaient dans l'embrasure de l'immense porte mais je n'y suis même pas arrivé. Papa m'a attrapé par le T-shirt et m'a soulevé comme un vulgaire jouet. Il m'a jeté à l'intérieur du tracteur. Ça puait le renfermé dedans. Je me suis relevé et j'ai vu papa tirer sur un des hommes qui est tombé dans la poussière. L'autre s'est jeté sur lui. Il n'a pas eu le temps de tirer. La créature a attrapé le fusil et l'a balancé au loin puis a commencé à frapper papa comme une furie. Il s'est débattu comme il a pu mais la créature était plus forte, ça se voyait. Ils se sont battus dans la lumière aveuglante des phares. C'était confus, je n'y voyais rien et je ne savais pas quoi faire. Alors je me suis mis à appuyer partout, sur les pédales, à tirer sur tous les leviers comme un fou sans même savoir ce que je fabriquais. Au début, le tracteur a hurlé et j'ai cru que je l'avais cassé puis d'un coup, il a bondi en avant comme un taureau lors d'un rodéo. J'ai été jeté en arriéré et ma tête s'est cognée fort contre la paroi de la cabine. J'ai vu des étoiles danser devant mes yeux et après… plus rien.

Je me suis réveillé une heure plus tard. Papa conduisait le tracteur d'un air sérieux. Quand il m'a vu ouvrir les yeux il m'a dit : « Recouche toi, C'est bon, on est sortis d'affaire. Dors un peu ou tu vas avoir un sacré mal de tête ». J'ai essayé de parler mais ça ne sortait pas. Je me suis remis en position pour dormir et avant de me rendormir j'ai juste entendu papa dire : « Tu m'as sauvé la vie. » Et ça m'a fait super bizarre.

Il y a un épisode du Commissaire Super que j'aime bien. C'est l'histoire de dangereux braqueurs de banque venus d'Europe de l'est. Ils tuent plein de gens et ils s'en fichent de tout. Par exemple, une fois, y'en a un qui a tiré sur une femme enceinte juste parce que ça le faisait rire. Enfin, vous voyez le genre. Alors, le Commissaire Super mène l'enquête et part à leur recherche. Le truc, c'est que les dangereux braqueurs sont aussi dangereusement idiots. Ils laissent plein d'indices sur les lieux du crime et tout et tout. Ils sont arrogants aussi et ils appellent la police juste pour se moquer d'eux. Du coup, le Commissaire Super les retrouve en un rien de temps. Il se retrouve confronté à leur chef après avoir fait arrêter tous ses sous-fifres. Le chef, il se planquait dans une petite cabane cachée au milieu des marais. Commissaire Super arrive mais ça tourne mal. Je me rappelle plus exactement comment ça se passe mais l'important dans tout ça, c'est que le Commissaire Super est sur le point de se faire tirer dessus par le méchant, il est cuit. Mais un coup de feu retentit de l'extérieur de la cabane et vient terrasser le méchant in-extrémis. Le Commissaire Super se relève, surpris mais heureux. Il voit un homme s'enfuir, un fusil à la main.

Dans le livre, jamais l'auteur ne dit qui était ce mystérieux tueur. Mais moi je sais que c'était son fils. Il y a un indice caché dans cet épisode et je l'ai trouvé. C'est pas évident à trouver mais moi je l'ai vu. Je ne veux pas révéler l'indice, je vous conseille plutôt de lire l'épisode (Commissaire Super lutte contre l'Est) et de chercher vous-mêmes, c'est plus drôle comme ça.

Alors je sais pas pourquoi je raconte ça maintenant. Ah si, ça m'a fait penser à ça quand mon père m'a dit que je lui avais sauvé la vie. Je n'ai pas compris sur le coup puis il m'a expliqué plus tard que le tracteur avait bondi sur la créature. Ça aurait pu être papa mais il se trouve que ça n'a pas été papa. Allez savoir pourquoi. Simple question de chance. A un mètre près je tuais mon père ou je le sauvais. Je crois que la chance des fois c'est plus que de la chance.

 

Maintenant, on est sur le tracteur et on va vers Genève. J'ai super mal à la tête mais papa dit que ça va passer. Il fait nuit et on voit rien dehors à part la route devant nous, éclairée par les phares jaunes du tracteur. C'est pas super pratique pour écrire.

Papa m'a regardé écrire. Il voulait savoir ce que je fabriquais. Je lui ai demandé où il en était, lui, de ses mémoires. Il m'a répondu qu'il n'avait pas écrit ses mémoires mais une longue lettre. « A qui ? » j'ai demandé.

« A ta mère ».

J'ai trouvé ça bizarre mais je n'ai rien dit. Il a rajouté que la lettre était restée à la maison, sur la table du salon. « A quoi ça sert, alors ? » j'ai fini par lui demander. Il a simplement répondu : « Tu es trop jeune, Luca. ». Et après, on a plus parlé pendant un bon moment.

 

Et maintenant je vais dormir un peu. Je vais me coller sur les genoux de papa, au chaud. J'espère qu'on ne reverra plus jamais des créatures aux yeux noirs. Je les déteste. Elles me font peur.

29 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 15

Chroniques Blog

DIANE

 

 

18 juin / Emmanuel

 

Diana, (ou Diane ?) j' ai trouvé ton journal prés du lit. Merci de t'être occupée de moi. J'espère que tu ne m'en voudras pas mais j'ai lu ce que tu avais écrit. Je me permets de rajouter ma touche. Je n'arrive plus à parler, ma bouche est pâteuse et ma gorge me brûle horriblement.

Et il y a les voix. Dans ma tête. J'ai du partir l'autre jour parce qu'elles me disaient de partir. Elles m'ont dit quoi faire. Je crois que j'ai fait une chose horrible pour elles mais je ne pouvais pas faire autrement. Je ne pouvais pas lutter, elles m'ont dit quoi faire et je l'ai fait.

Je suis parti sur la route et j'ai marché un bon bout de temps. Je ne savais pas où j'allais mais elles savaient. Puis au bout d'un moment, j'ai tourné sur un petit chemin de terre recouvert de sable noir. J'ai marché encore très longtemps jusqu'à arriver à un petit étang abandonné au bord d'un champ. Il y avait leur machine dans l'eau. Comme un grand cylindre blanc de plus de dix mètres de haut avec un drôle de signe peint en noir au sommet. Une sorte de lettre chinoise. Elles m'ont fait aller dans l'eau boueuse et je suis resté devant cette machine, le nez levé vers le ciel. Les voix ont hurlé dans ma tête et j'ai failli m'évanouir. J'ai du faire le tour et ouvrir une sorte de panneau à l'arrière Il y avait un gros bouton noir. Il était bloqué. J'ai poussé dessus de toutes mes forces et il s'est enclenché. Il y a eu un bruit strident et une sorte de fumée blanche est sortie du haut de la machine.

Les voix m'ont fait courir jusqu'à la route et après, elles sont parties.

La suite est plutôt floue. Il y a eu la brume et j'ai marché des heures et des heures. La brume semblait vivante, épaisse, à couper au couteau. Je crois que c'est moi qui ai amené la brume. C'est ce qu'elles m'ont fait faire.

Ensuite, j'ai retrouvé la maison. Je ne sais pas par quel hasard. Et je suis là. Dans mon dos, comme tu as du le voir, il y a une chose. Je ne sais pas ce que c'est mais je crois que je vais mourir. Mais ce n'est pas grave, je veux mourir maintenant. Je crois que je les ai aidées à faire une chose horrible. Tout va mourir bientôt. Tout va mourir. Et nous aussi. Désolé.

 

18 juin / Diana

 

Emmanuel, j'ai répondu à ton mot dans ton sommeil. Je n'avais la force ni de te le dire en face, ni de te l'écrire. Qui sait ce que deviennent les mots murmurés à l'oreille d'une personne qui erre dans le monde des rêves ?

Quant au fait de mourir, c'est une chose à laquelle je me prépare tout doucement. Je commence à la voir comme une solution parmi tant d'autres. Est-ce si morbide ?

J'ai préparé mon vélo et j'ai trouvé une sorte de remorque en bois pour transporter des petits objets. Je vais le mettre dedans et essayer de le transporter jusqu'à Nyon. Il n'y a que 45 kilomètres et la route est plutôt plate, je crois. Je devrais y arriver. Je partirai demain, à l'aurore.

 

 

Mona me manque. Son absence redevient insupportable. Des fois, je me dis que je devrais en finir et aller la rejoindre. Elle doit flotter quelque part dans un endroit chaud et paisible, recevant dix fois là-haut ce qu'elle a donné en ce monde, ici bas. Si tous les hommes avaient l'âme de Mona, le monde serait un endroit magnifique. Son éternité sera douce et pleine de joie.

Je n'ai connu le bonheur qu'une fois dans ma vie. Après l'adoption, les courts mois ou elle a vécu avec moi. Elle remplissait tellement ma tête et mon corps que plus rien n'avait prise sur moi, rien ne pouvait entamer la tranquillité d'esprit que j'avais trouvée. Ma tête était vide et mon corps était plein.

Si je dois mourir, j'aurai la consolation d'aller la retrouver.

 

20 juin / Diana

 

05 h 45

Le vélo est prêt. Emmanuel est dans la remorque, je l'ai installé du mieux que j'ai pu. Il respire encore mais son état semble empirer. Je n'ose plus regarder l'excroissance dans son dos, sa vue m'est insupportable. J'ai versé de la Bétadine dessus mais le sang coule toujours.

Dehors, les arbres ont fini de crever. Leur tronc est noirâtre et plusieurs sont tombés pendant la nuit. L'herbe commence à sécher, aussi. Il y a une odeur de poisson crevé dans l'air. Je ne sais pas ce qui se passe, mon dieu, je n'ai aucune idée de ce qui est en train de se passer.

 

 

9 h 30

J'ai à peine fait cinq kilomètres, Emmanuel pèse lourd dans la remorque, j'ai toutes les peines du monde à le tirer avec le vélo. Je n'y arriverai jamais avant la tempête.

La route est jonchée de cadavres d'animaux et j'ai croisé une dizaine de voitures dans les fossés. Avec des morts à l'intérieur. Des familles entières. Certains avaient des trucs translucides qui leur poussaient dessus, comme Emmanuel.

Les maisons sont mortes. Pas un bruit, pas un survivant. Rien que la mort partout. Les arbres sont à l'agonie, les champs sont marrons et l'odeur de pourriture est partout. Toute la végétation est en train de crever. J'ai traversé ce paysage d'apocalypse en brisant le silence malsain qui y régnait.

J'ai croisé des chemins de terre qui partaient de la route principale et j'ai eu l'envie d'aller vérifier si la machine dont parlait Emmanuel était là, enfouie dans un étang malodorant mais je n'ai pas le temps. La fièvre l'a peut-être fait délirer.

Je dois y retourner, pédaler jusqu'à tomber à bout de forces. Je dois rejoindre Nyon et trouver un hôpital.

 

12 h 00

J'ai mis plus d'une heure à grimper cette maudite côte. Je n'en peux plus. Emmanuel respire de plus en plus faiblement. J'ai cette pensée horrible que si il mourait, je pourrais y arriver avant la nuit. Mais j'essaie de la chasser de mon esprit.

Je n'avance pas. Il va falloir dormir sur la route. La campagne est vide ici, pas une maison alentour. Il faut que je continue à avancer mais je n'ai ni le moral, ni le physique.

Les champs sont morts, ils puent la charogne. Quelques rares arbres tiennent encore debout, le tronc maculé d'un humus noirâtre.

J'ai croisé une voiture sur le bord de la route. L'homme à l'intérieur tenait encore le volant d'un air sérieux mais du sang séché s'échappait de ses narines et de ses oreilles.

J'ai mal partout. Emmanuel semble peser de plus en plus lourd.

 

15 h 00

Ça fait deux heures que je suis arrêtée sur ce bas coté. J'ai pleuré tout ce temps. J'ai hurlé sur Emmanuel pour qu'il se réveille mais je le sens en train de partir. Il faudrait que je fasse vite mais je n'en peux plus. Je suis épuisée, j'en ai marre. J'hésite à le laisser, là, sur le bord de la route et à repartir. Il va mourir de toute façon. Il me retarde, il m'empêche d'avancer. Je le connais à peine. Et qui me dit qu'il y a encore un hôpital en service à Nyon ? Et qu'ils pourront faire quelque chose pour lui ? Si tout le monde est mort là bas, à quoi ça sert de lui infliger ce voyage ridicule ?

Je sais. Je sais. Je sais.

Je ne peux pas le laisser là mais Dieu m'est témoin que c'est ce que j'ai failli faire.

 

17 h 00

J'ai roulé deux heures avec Emmanuel. J'ai fait cinq kilomètres de plus. Je n'y arriverai jamais. Le vélo est une antiquité, je n'avance pas. Je l'ai descendu de la remorque et je l'ai laissé, bien installé, dans un nid d'herbe séchée, au bord de la route. Il est visible si quelqu'un passait par là. Il pourrait le prendre avec lui mais moi, je ne peux plus. Si je le tire avec moi sur le vélo, il n'y aura pas un mort mais deux.

Il respire de plus en plus faiblement, il va mourir de toute façon

Je vais rejoindre Nyon et si je trouve des survivants, j'irai le rechercher. Mais pour l'instant, je n'ai pas d'autre choix que de le laisser là.

Qu'on me jette la première pierre.

 

19 h 00

J'approche de Nyon. Tout est mort. Personne en vue. J'irai brûler en enfer pour ce que j'ai fait. Je le sais. J'irai passer l'éternité du côté des gens médiocres, mauvais, peureux, petits. Je ne mérite pas de finir aux côtés de Mona dans la mort, n'est-ce pas ?

Elle doit me regarder de là haut et elle doit pleurer pour moi, pour ce que j'ai fait. Emmanuel va se faire recouvrir par la tempête, seul, agonisant. Dans la solitude de la mort qui s'approche. Je suis une putain de salope égoïste.

Les alentours de Nyon sont recouverts de poudre noire et le silence est épouvantable. La tempête va arriver, je dois m'abriter.

 

23 h 50

Je suis dans une petite maison de banlieue. Cinq morts dans le salon. La tempête fait rage dehors. J'atteindrai le centre ville demain.

J'ai cru voir Emmanuel dehors. Il avait les yeux pleins de rage et il me cherchait. Son excroissance palpitait dans la nuit, lui ordonnant de me trouver et de m'arracher les yeux pour ce que j'avais fait. Il criait de tristesse et de haine. Il criait pour ce monde mort ou les gens comme moi perdaient tout ce qui leur restait d'humanité et abandonnaient des mourants pour sauver leur petite peau minable.

Je n'arrête pas de penser à lui. Son image me hante, étendu là, dans l'herbe. Je regrette tellement ce que j'ai fait. Je suis une merde, une sombre merde sans âme.

 

 

 

 

28 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 14

Chroniques Blog

DAVID

 

 

Rapport 25/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

 

Sergent David Fresnes.

 

07/06/2014 10 h 00

 

Il y a eu des bruits incroyables cette nuit, comme des bâtiments qui s'écroulaient, au loin. La brume est encore plus épaisse, on n'y voit vraiment rien. On dirait que la ville est bombardée mais il n'y a aucun bruit d'explosifs. On ne sait pas ce qui se passe. On a réentendu des conversations étranges ce matin à quelques mètres du magasin où on se cache. Il y avait deux personnes qui parlaient mais je n'avais jamais entendu un truc pareil.

Miligrom a dit que ça ne paraissait pas humain et c'est exactement la sensation que j'ai eu. Je ne sais pas qui c'est. De l'arabe ? Du russe ? Non, rien de tout ça. Bon sang, c'était vraiment trop bizarre.

On va attendre un peu ici puis on va avancer un peu. Il faut qu'on sache ce qui se passe même si ça doit nous coûter la vie. On ne peut pas rester ici de toute façon. Il faut bien faire quelque chose. On est morts de trouille mais on se soutient avec Miligrom.

Si Korg avait été là, la situation se serait compliquée, j'ai bien peur de devoir l'admettre. Il nous aurait fait repérer en moins de temps qu'il le faut pour dire ouf. Ce que je vais dire peut paraître inhumain mais je le préfère derrière nous.

 

12 h 00

On a traversé la rue. On est dans la cage d'escalier d'un immeuble. Il n'y a pas un bruit. On va continuer à avancer.

 

14 h 00

Miligrom délire. Il dit qu'il a vu Korg dans la rue. Il est sous pression. J'ai essayé de le calmer mais il dit qu'il est sûr de lui. Que Korg était là avec une autre personne qu'il n'a pas pu bien voir à cause de la brume. J'ai essayé de le persuader que c'était le stress qui l'influençait mais il n'a pas voulu en démordre.

Je n'aime pas ça.

 

17 h 00

On a avancé un peu, en essayant de ne pas faire de bruit. Les rues sont vides mais on a pas vu un seul cadavre. Pas un bruit. Rien. La nuit tombe mais il n'y a plus de tempête. Hier soir, il n'y en a pas eu non plus. Bizarre. La brume n'a pas désépaissi.

On va passer la nuit dans un endroit sur et on verra demain.

On a rien mangé depuis deux jours, on est épuisés, sur le qui-vive. Il faut que ça s'arrête bientôt.

 

 

27 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 13

Chroniques Blog

LUCA

 

12 juin 2014

 

Papa m'a parlé aujourd'hui et voilà notre conversation. C'est peut être pas parfait dans tous les détails mais ça ressemblait à ça :

« Luca. Tu es un grand garçon maintenant et je vais te dire la vérité. Je veux dire, tu n'es plus un bébé et si je veux qu'on s'en sorte ensemble, il faut que tu saches tout. Comme ça, tu te tiendras peut être à carreau et tu m'écouteras. J'aurais sûrement du tout te dire avant mais je n'en avais pas la force et je ne savais pas comment faire, aussi.

Je ne sais pas ce que c'est que ces orages, Luca. J'en ai aucune idée. Mais c'est grave. Beaucoup de gens sont morts. Louise, ses parents, les autres voisins. Les gens ne restent pas chez eux parce que c'est dangereux, Luca mais parce qu'ils sont tous morts, tous les gens du village. C'est pas quelque chose qu'un petit garçon comme toi doit connaître mais c'est comme ça. Je ne sais pas ce qui s'est passé depuis ce premier jour où il y a eu la tempête mais c'est très très grave. Nous, on est en vie et je ne sais pas pourquoi non plus. L'espèce de dingue dans le jardin, c'était M. Meunier. Tu le connais, hein ? Je sais pas ce qui l'a rendu comme ça, Luca. Je sais rien du tout. Et si on a encore l'électricité dans la maison c'est parce qu'on a un transformateur. Et un transformateur ça marche avec de l'essence. Et on a bientôt plus d'essence, Luca. Tu comprends, ça ? Demain, il n'y aura plus de lumière, plus de radio, plus rien. Il va falloir partir. Papy avait un tracteur et il est encore à la ferme. On peut partir avec ça parce que ça marche pas avec des trucs électroniques Tu comprends ? Peu importe. Il va falloir partir avec le tracteur parce que les secours, ils viendront pas ici. Je les ai attendus une semaine entière et personne n'est venu. On est que tous les deux dans cette merde. Pardon, je devrais pas dire des gros mots mais c'est compliqué tout ça, Luca. Tu vois ? Ça va pas être facile mais on est tous les deux et si tu écoutes bien tout ce que je dis, si on fait attention, on va y arriver. On va aller vers Genève. C'est là où il doit y avoir les secours. On trouvera sans doute des gens en route, je sais pas. On verra bien mais il faut partir de la maison. On reviendra, t'inquiète pas. On reviendra à la maison. C'est un peu comme un voyage, une aventure. T'es déjà monté sur un tracteur ? Non ? Tu vas voir, c'est rigolo. On fera des pique-nique sur la route. Et si il faut, on dormira dans le tracteur, il y a une cabine qui ferme et tout. Ça va être amusant. Ne t'inquiète pas. Je ne suis plus fâché pour l'autre fois. Mais maintenant il va falloir m'écouter et plus partir seul à l'aventure, mon gars. Ça c'est plus possible. J'espère que tu as eu la frousse de ta vie, l'autre fois avec M. Meunier. Si c'était encore M. Meunier.. Bref, moi j'ai eu la frousse de ma vie alors refais jamais ça, compris ?

Ce qui se passe, on s'en fiche. Pas besoin d'enquête ou de je ne sais quoi. Tout ce qu'on sait c'est qu'il faut qu'on arrive à Genève et qu'on trouve la police. D'accord ? Eux, ils nous aideront. Tu vas venir m'aider à faire nos affaires, on va préparer des sandwiches et tout et puis demain, le plus tôt possible, on court à la ferme. On prend le tracteur et on s'en va. Mamie, elle est à la maison de retraite, loin d'ici, elle va bien, ne t'inquiète pas. Il n'y a personne à la ferme. On prend juste le tracteur, toute l'essence qu'on peut trouver, les pique-nique et on s'en va, ok ?

Allez, je t'attends en bas. »

 

En gros, c'est ce qu'il a dit. Peut-être pas les mots exacts mais on s'en fiche, non ? Je vais descendre, journal, pour l'aider. Je dois éteindre l'ordinateur, a dit papa pour économiser l'essence du transformateur alors je vais tout imprimer ce que j'ai écrit et je vais le coller dans mon grand cahier. Je continuerai avec un stylo, comme les anciens écrivains.

J'ai très très très peur. Je veux que tout soit comme avant, l'école, les copains, l'escrime le mercredi, les échecs avec papa. Tout. La vie comme avant. Mais je suis avec papa et c'est le principal.

A bientôt.

 

13 juin 2014

 

Il y a des gens comme M. Meunier autour de la ferme. Papa est parti en éclaireur pour pas avoir de surprises et il dit qu'il y a trois hommes aux yeux noirs qui rodent aux alentours de la ferme. Peut-être plus, il a dit papa.

Ça me fait peur, je ne veux jamais revoir des gens comme ça, ils sont trop dangereux et trop horribles.

Papa dit qu'il faut attendre.

 

Les monstres aux yeux noirs, ils sont encore là, ils bougent pas. Il n'y a plus de lumière dans la maison, c'est fini. Plus de radio, plus de traitement de texte. J'écris au stylo et ça fait un peu bizarre. J'essaie de bien écrire pour qu'on puisse lire mes mémoires dans cinq mille ans.

Papa dit que cette nuit la maison sera toute plongée dans le noir et qu'il aimerait bien partir aujourd'hui.

Moi, je veux pas qu'il aille avec son fusil tuer les monstres. J'ai trop peur. Mais je crois que lui aussi de toute façon.

Il a dit qu'on allait faire des échecs et attendre.

Mais papa il me bat toujours, j'aime pas jouer avec lui.

 

J'arrive pas à me dire vraiment que Louise elle est morte. Ça me rend pas vraiment triste. Peut-être que papa s'est trompé et qu'elle est pas morte.

 

La nuit est en train de tomber. Papa est allé voir et il a dit que les monstres étaient plus là autour de la ferme et qu'il fallait tenter notre chance. Qu'on pouvait pas rester là, de toute façon. On va y aller discrètement sans faire de bruit et prendre le tracteur. Il dit qu'une fois qu'on sera dedans, on sera en sécurité.

 

J'ai très peur mais papa dit que ça va aller. Il a pris son fusil, j'ai les pique-nique. On va y aller. On a dit au revoir à la maison mais on va bientôt y retourner.

 

 

 

24 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 12

Chroniques Blog

DIANE

 

 

16 juin / Diana

 

On a préparé les vélos aujourd'hui. Demain, on s'en va. Avec Emmanuel à mes cotés, ce sera plus facile.

J'ai essayé de parler de sa blessure au dos mais il a évité le sujet en disant que ce n'était rien. Ça se voit qu'il a mal mais il fait tout pour le cacher.

 

On a refait un peu de roller dans l'après-midi mais le cœur n'y était plus vraiment. On ne pense qu'à demain et à la route qui nous attend.

 

 17 juin / Diana

 

Au réveil, ce matin, j'ai fait le tour de la maison mais il n'y avait pas trace d'Emmanuel. J'ai crié son nom une ou deux fois mais je n'ai pas eu de réponse. La nuit tombe et il n'est toujours pas revenu. Je ne sais pas où il est parti. Les vélos sont toujours là.

Je me suis assise dans le canapé après mon réveil et j'ai fini le vin de la veille en essayant de ne penser à rien de particulier. J'étais fatiguée. Lasse.

J'ai pensé à Mona. A l'endroit où je l'avais connue. Une salle un peu sombre, mal décorée et puante de l'assistance sociale. Elle attendait devant mon bureau et je l'observais par la petite fenêtre en haut de la porte. Elle ne pouvait pas me voir. C'était la énième petite fille que je voyais avec son lot de problèmes, de sévices, d'histoires cachées et dégueulasses et à cette époque là j'étais tellement blasée par le métier que je gérais ces enfants comme des dossiers. Ce qui, en soit, n'est pas vraiment réprimandable. Je veux dire, il est clair que si on ne fait pas abstraction du coté humain ne serait-ce qu'un petit peu, si on se borne à tout prendre dans la gueule, on ne dure pas longtemps là-dedans. Alors, j'enchainais les dossiers en essayant de faire le job du mieux que je pouvais mais je ne m'engageais plus émotionnellement. Van trouvait ça ignoble et il disait que c'était un syndrome de notre société inhumaine. Je crois que c'était encore une de ces conneries que je gobais si facilement à l'époque et qui entretenait ma culpabilité envers tout et rien. Était-ce moi qui avait violée tel petit garçon ? Était-ce moi qui me piquait à l'héroïne pendant ma grossesse ? Non, merci. Donc, je bossais tous les jours pour aider les gens à sortir de la merde dans laquelle ils s'étaient foutus tous seuls, embarquant au passage leurs gosses. Alors, libre à moi de me protéger de toute leur merde, non ? Oui, Van, à la fin, j'étais sourde à toute cette souffrance. Et j'en remercie Dieu.

Contrairement à tous les autres enfants que j'ai pu accueillir dans mon bureau, Mona n'avait pas ce regard abattu plein de passivité ou cette attitude agressive, défiante des enfants abusés. Elle n'avait pas cette lueur de folie, de fatigue chronique, de douleur latente prête à exploser. Mona avait l'air heureuse. Son visage était illuminé par je ne sais quoi mais ça m'a fait l'effet d'un électrochoc et toutes les barrières que j'avais posées à cette époque entre mes dossiers et moi m'ont alors paru idiotes. Quand j'ai ouvert la porte et que je lui ai dit d'entrer, je savais que je n'allais pas être Diane Hofman, assistante mais Diane Hofman, être humain pathétiquement normale, pleine de défauts et de qualités et que j'allais lui parler normalement, comme à quelqu'un avec qui on se sent libre d'être soi-même. Cette gamine avait treize ans mais elle m'inspirait bien plus que tous les adultes autour de moi.

Le cas Mona était pour le moins atypique. Elle avait vécu avec son père depuis ses deux ans, âge auquel sa mère était morte lors d'un accident de voiture. Son père tenait une petite charcuterie de quartier dont le nom devint célèbre après que le fait divers l'impliquant aie défrayé la chronique. M. Lannes était ce que l'on appelle dans le milieu du banditisme, un liquidateur. Il s'occupait des cadavres gênants. Il les saignait, les découpait de la tête aux pieds et les empaquetait dans des caisses de vin en bois qu'il se procurait par son beau-frère, courtier en grands crus. D'ailleurs, ce fameux beau-frère ne s'est-il jamais demandé ce que pouvait bien faire un charcutier de tant de caisses de vin? Il en fallait à peu prés quinze par corps et selon les tabloïds 18 morts ont été retrouvés dans les caisses de beaujolais de M. Lannes. Comment un brave charcutier de quartier a-t-il fini dans ce milieu, l'histoire ne le disait pas.

Toujours est-il qu'un jour, plusieurs types de la bande pour laquelle il travaillait sont tombés. Un parmi eux a tout déballé et révélé l'emplacement des cadavres. La police est allée creuser et a été assez étonnée par cette manière toute particulière de se débarrasser des corps. La piste de celui qui faisait ça les a intéressés et ils sont remontés jusqu'au charcutier.

Il a pris huit ans ferme. Même s'il n'a jamais tué personne.

Et Mona s'est retrouvée dans les couloirs de la DDASS. Puis devant mon bureau.

A l'époque, je n'avais rien dans ma vie sinon un chat idiot qui ne m'a jamais montré la moindre marque d'affection. Je voulais prendre un chien et me débarrasser de ce chat quand Mona est rentrée dans ma vie.

Son dossier a eu des complications à cause des premières familles d'accueil dans lesquelles elle s'est retrouvée, pas toutes très nettes. Du coup, elle a souvent fini devant moi, avec son air malicieux, malgré sa situation plus que merdique.

Je ne sais pas si les détails sont racontables, je veux dire ce que je ressentais à l'époque, ce que j'ai vécu au travers de Mona, l'espoir que j'ai vu en elle et que je ne voyais pas ailleurs. Tous ces trucs qui, si je les dis, vont sonner cul-cul. Je ne suis pas écrivain, après tout. J'écris par défaut. Par nécessité aussi. Jamais on ne m'avait appris à l'école qu'écrire pouvait être vital. Être un geste physique, douloureux et apaisant au final. Comme une bonne grosse séance de sport. Je suis sûre que si les sportifs n'écrivent pas, ce n'est pas parce qu'ils sont stupides mais c'est parce qu'ils n'en ont pas besoin.

 

La tempête commence dehors. Comme tous les soirs. Une sorte de routine noire s'est peu à peu installée. Une chose malsaine et dangereuse mais régulière et rassurante comme le passage des saisons. La tempête est un rituel, toujours à la même heure, à peu prés, toujours la même. Je n'ai toujours pas vu de secours, ni entendu aucune nouvelle du reste du monde. Je ne sais pas ce qui se passe, j'ai mal au ventre toute la journée et mon psoriasis empire au niveau du cou.

Emmanuel est parti apparemment, il n'a pas reparu de la journée. Il est dehors ou dans une autre maison. Je suis seule maintenant. Et la tempête est là.

 

Il me manque. Je m'inquiète pour lui.

 

18 juin / Diane / 11 h 30

 

J'ai cru voir Emmanuel par la fenêtre ce matin. Je ne suis pas sure mais il me semble avoir reconnu son manteau noir de loin. Une sorte de brume épaisse s'est installée cette nuit et j'ai juste vu une silhouette.

Je repense souvent au cinglé de Jackson, j'espère vraiment éviter son chemin et celui de types comme ça.

Emmanuel était plutôt bizarre dans son genre mais je ne crois pas qu'il m'aurait fait du mal. Dieu seul sait pourquoi il est parti. Je me sens plus seule que jamais.

J'ai sorti une boite de foie gras des placards de la cuisine mais ça n'a pas le même goût que d'habitude. C'est fade. Ça me fait remonter des souvenirs de Noël. Pas tous agréables.

 

Je crois que demain je vais partir seule en direction de Nyon. Je préférerai partir en voiture qu'en vélo mais plus rien ne fonctionne. J'ai déjà lu ça dans des livres, des bombes éléctro-magnétiques ou je sais pas trop quoi. Ça crame tous les composants électroniques. Je pense que c'est ce qui a du tomber je ne sais pas trop où, juste avant la première tempête.

Il faut que je trouve d'autres personnes, je ne peux pas rester ici plus longtemps, je vais devenir dingue. Je commence à parler toute seule et à avoir des idées noires. Tous ces gens morts autour de moi, j'ai l'impression de les entendre la nuit, je n'arrive plus à dormir. Je suis au bord de la crise, je le sens. Je ne vais pas très bien, j'ai besoin qu'on m'aide, qu'on me parle, qu'on me fasse sentir en sécurité. J'ai attendu toute la journée qu'il revienne.

 

14 h 00

J'ai commencé un Dickens qui trainait dans la bibliothèque. Je n'aime pas. La brume ne tombe pas, elle semble s'agglutiner autour de la maison. Les vitres sont couvertes de buée collante. J'espère qu'Emmanuel est à l'abri et pas perdu dans ce brouillard blanchâtre.

Je vais commencer un livre qui s'appelle « Crime de soleil et d'ennui », la couverture est rigolote. Mais je n'ai pas vraiment le cœur à lire, à vrai dire.

 

17 h 00

La brume est tombée, d'un seul coup, en l'espace de même pas une minute. On aurait dit que quelqu'un l'aspirait par le sol. Ce qui m'est alors apparu m'a donné la chair de poule. Tous les arbres du jardin et prés de la route sont morts. Toutes leurs feuilles sont tombées et leur écorce pend sur leurs troncs. On se croirait en plein hiver alors qu'on est en juin. Je ne sais pas ce qui se passe encore mais ce n'était pas de la brume ce matin.

J'ai peur de mourir. Putain, j'ai peur, il faut que je me barre de là.

 

18 h 30

Il y a les vélos dans le garage. Ils m'attendent là, sans rien dire. Demain je me tire de là et je trouve des gens.

 

20 h 00

J'ai encore cru voir quelqu'un dans le jardin, au milieu de la tempête. C'était un homme, peut-être Emmanuel, je sais pas, il faisait noir. Il errait là, sans but au milieu des bourrasques de ce foutu sable noir de merde. Je ne sais pas ce qu'il veut mais j'ai fermé toutes les portes à clef et je me suis cachée sous le lit, à l'étage.

J'ai pris « Crime de soleil et d'ennui » avec moi. C'est l'histoire la plus bizarre que j'ai jamais lue.

 

20 h 30

Emmanuel est revenu. Il a tapé à la porte comme un dingue et après dix minutes d'hésitation, je suis sortie de sous le lit et je suis allée ouvrir, transie de peur. Il s'est écroulé sur le sol de la cuisine, à demi inconscient. Il était couvert de sable noir.

Je l'ai trainé tant bien que mal dans le salon et j'en ai profité pour regarder ce qu'il avait dans le dos. J'ai failli tourner de l'œil en voyant ça. Il a un truc qui lui pousse dans le haut du dos, en plein sur la colonne vertébrale. Une sorte de plante vitreuse. C'est plein de sang. J'ai nettoyé ça comme j'ai pu mais je ne peux pas toucher ce truc là.

Il est en vie mais il n'a pas l'air bien. Je l'ai mis dans un lit, couché sur le ventre.

Je veux me réveiller de ce cauchemar, s'il vous plait. Je veux me réveiller chez moi et oublier toutes ces choses.

 

 

 

22 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 11

Chroniques Blog

DAVID

 

 

Rapport 23/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

Sergent David Fresnes.

 

05/06/2014 08h00

 

On a passé une autre nuit à écouter la tempête passer. On a fini le whisky et tout le monde a un peu la gueule de bois. En me réveillant, j'ai espéré avoir fait un mauvais rêve. Mais la base de Lausanne était toujours aussi vide et les hommes plantés en terre étaient eux aussi encore là .

On va laisser tomber les vélos, on se déplace comme des escargots. La chose qu'il nous reste à faire, c'est de rejoindre Genève. Je ne vois pas autre chose. Pour le moment, on est plus des militaires, juste des survivants. Je continue les rapports néanmoins. Autant pour moi que pour les gens qui voudront en savoir plus sur ce qui s'est passé.

Le plan est de rejoindre la rive du lac Léman, de prendre un bateau et d'atteindre Genève le plus rapidement possible. Si les moteurs des bateaux ne fonctionnent plus, on ramera. A trois hommes, on devrait avancer rapidement. Il y a une quarantaine de kilomètres.

Ça me paraît la meilleure option.

Je n'arrive pas à m'enlever ma femme et ma fille de l'esprit. J'espère qu'elles vont bien. Mais je n'ai aucun moyen de le savoir. Aucun téléphone ne fonctionne, bien sûr. Je dois juste mettre ça de coté pour l'instant. C'est pas évident.

Ce qu'on va trouver à Genève, Dieu seul le sait. J'imagine que si Lausanne a été attaquée, Genève doit aussi l'avoir été.

 

Korg va très mal. Il tremble et semble plutôt instable. J'ai peur qu'il nous fasse quelque chose d'inattendu, de stupide. On essaye de lui parler avec Miligrom, de le garder sous contrôle mais plus le temps passe plus il sombre dans la folie, ça me paraît assez clair. Il parle d'histoires qui lui est arrivé au lycée, ça n'a aucun sens. Il est brulant de fièvre. Je suis allé voir dans la pharmacie de la base si il n'y avait pas des calmants mais d'une, je n'y connais rien et de deux, on a besoin qu'il soit en forme, pas avachi de tranquillisants.

Il faut le surveiller.

Nous partons bientôt en direction des embarcadères de Lausanne, sur la rive nord du Lac Léman. Direction Genève.

 

13h00

 On a enfin atteint les rives de la ville. On a croisé personne sur la route, que des cadavres, des voitures renversées dans les fossés, du silence et une odeur pestilentielle. Des milliers de corps en décomposition. Tout le monde est mort dans les stands de location de bateaux. Voir ce massacre, ça commence à me taper sur les nerfs. J'ai parfois envie de pleurer, brusquement mais je me retiens pour donner le change. Miligrom a l'air abattu et Korg pleurniche en murmurant des phrases incompréhensibles. On fait une belle équipe.

Je n'ai jamais vu autant de morts de ma vie.

L'eau du lac est noire. Noire comme la nuit. Toute cette poudre s'est mélangée aux eaux. Tous les poissons doivent être morts, j'imagine. C'est une vraie saloperie.

On a choisi un bateau. Tous les moteurs sont HS, il va falloir ramer. Miligrom est parti chercher des bouteilles d'eau dans les boutiques touristiques. Dès qu'il revient on part.

 

13 h 30

Korg l'a vu en premier. Il y a quelque chose dans le lac à approximativement quinze kilomètres. Une sorte de grand cylindre blanc. On dirait un ballon à gaz, mais en vingt fois plus grand et à la verticale, qui sort de l'eau. Je connais bien cette rive là du lac et je n'ai jamais vu cette chose auparavant. Ça a peut-être un rapport avec les événements des jours passés. Le cylindre se trouve à mi-chemin entre nous et Genève. Nous passerons y jeter un coup d'œil.

Korg en a terriblement peur et il refuse même de monter sur le bateau à présent. Il dit que des voix lui parlent directement dans la tête et qu'elles viennent du grand cylindre blanc. Des voix méchantes ,qui se moquent de lui. Il pète complètement les plombs. On a essayé de rester calme avec Miligrom et je crois qu'il s'est un peu détendu. La perspective de rester seul à Lausanne ne l'a pas plus emballé que ça. Il n'a pas trop le choix que de nous suivre.

Tout est prêt, nous partons.

 

Rapport 24/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

Sergent David Fresnes.

 

06/06/2014 12 h 00

Nous avons enfin atteint les rives de Genève. Le port est noyé dans la brume et il est impossible d'y voir à plus de dix mètres. Il n'y a pas un bruit et j'imagine le pire. Nous n'avons pas vu de cadavres mais pas de survivants éventuels non plus. Nous allons devoir avancer dans la ville pour en savoir plus.

Pour le moment, je me dois de relater la traversée du lac Léman qui a tourné au véritable cauchemar. Korg est mort. Du moins, disparu. Mais sûrement mort. Les choses vont en empirant et je ne sais pas ce que nous allons devenir avec Miligrom. J'ai peu d'espoir. Très peu d'espoir et bientôt plus d'énergie pour aller plus loin. Je me sens las, miné par la peur et l'incertitude. Je ne m'en cache plus devant Miligrom qui, de toute manière, ressent la même chose. Nous sommes dans la même merde désormais.

 

J'ai mis mes affaires ainsi que les rapports dans un sac imperméable de l'armée et on est partis du quai de Lausanne vers 14h00. C'était déjà un peu tard mais j'avais bon espoir qu'on parcourt les quarante kilomètres avant la tombée de la nuit, en ramant bien. Cependant, dès les premières minutes, il est apparu assez clairement que l'eau s'était épaissie considérablement sous l'effet de la poudre noire. On avançait deux fois plus lentement que prévu. Korg n'y mettait pas beaucoup du sien non plus, il chouinait et appuyait mollement sur sa rame. Il paraissait mort de peur, il fixait constamment le cylindre blanc au loin.

Les heures ont passées rapidement et on était à peine à portée du cylindre. Il devait faire une soixantaine de mètres de haut pour quatre-cinq mètres de diamètre. Tout en haut était peint en noir une sorte de signe. Une lettre ou un logo. Difficile à dire. Je n'en avais jamais vu de pareil. Le cylindre s'enfonçait tout droit dans l'eau. Je ne connais pas la profondeur du lac a à cet endroit mais la partie immergée du cylindre devait au moins faire le double de sa partie visible.

Vers 18h00, on est arrivés à la base du cylindre. Korg s'est roulé en boule au fond du bateau en se bouchant les oreilles. Il disait entendre ces voix qui lui disaient des choses horribles. Il voulait qu'on s'éloigne du cylindre. Je ne sais pas s'il était complètement fou ou s'il y avait un peu de vrai dans ce qu'il disait. Je dois dire que le cylindre me faisait un drôle d'effet. Il me fascinait, j'avais du mal à détourner mes yeux de son sommet et Miligrom aussi. On est restés là , à le regarder pendant bien trop longtemps. La nuit tombait mais on ne s'en est pas vraiment rendus compte. On est restés là , subjugués. Il faut dire que ce truc dégageait une certaine beauté, une splendeur indescriptible. Il avait un air majestueux. La peinture blanche qui le recouvrait était plus blanche que n'importe quelle nuance de cette couleur que j'aie jamais vu dans ma vie. C'était bizarre. Miligrom avait la bouche ouverte et le nez levé vers le sommet où la lettre noire ressortait brutalement sur le fond blanc. Il ne disait rien, il avait lâché sa rame depuis longtemps.

Je me suis réveillé de ma transe alors que le soleil se couchait à l'horizon. J'ai bousculé Miligrom qui m'a regardé, l'air hagard. Il a repris sa rame dans un sursaut et on s'est mis à ramer comme des dingues, conscients qu'on allait essuyer la tempête en plein milieu du lac si on accélérait pas. Korg est resté lové au fond du bateau, sans dire un mot.

Mais c'était trop tard et on le savait. On ne serait jamais arrivés à Genève avant l'heure du sable noir. Et il était évident que la région du lac n'était pas exempte de tempêtes, vu la couleur de l'eau.

On s'éloignait du cylindre quand on l'a entendu bouger. Un bruit métallique, comme un panneau de fer qui glisse sur un autre. On s'est retournés et on a vu des tiges noires sortir du cylindre, un peu partout. Il ne s'est rien passé pendant un moment, on est restés là , dans l'expectative puis du sable noir s'est mis à sortir en véritables nuées des tubes. Des kilos et des kilos en quelques secondes. Il s'est mis à tournoyer dans les airs avec une vitesse et une force incroyable. Il n'a fallu que quelques instants pour qu'on soit complètement noyés dans cette poudre noire puant l'humus. Sur le bateau, ça a été la panique. On s'est débattus comme si on était attaqués par un essaim d'abeilles mais c'était totalement inutile. On a avalé des pleines bouchées de sable humide et poisseux en quelques secondes.

Dans un éclair de génie, j'ai réussi à crier aux autres de renverser le bateau et de se cacher en dessous, dans l'eau. Miligrom s'est jeté à l'eau et je l'ai suivi. On a retourné l'embarcation comme on a pu et on s'est retrouvés en dessous dans le noir le plus total, haletant, morts de peur mais vivants.

Korg avait disparu. Dans la panique, il s'est sûrement noyé.

Miligrom m'a affirmé que juste avant de retourner le bateau, Korg n'était déjà plus là . Il en est sûr et certain. Il dit s'être retourné pour l'aider mais qu'il n'était plus là . Il s'est surement jeté à l'eau avant nous mais Miligrom dit qu'il n'a rien entendu.

La survie de Korg n'aura pas été autre chose que souffrance. Il aurait mieux fait de mourir avec tous les autres, ce soir là . J'espère que là où il est, il est serein et que les voix dans sa tête ont disparues.

 

On a continué à avancer comme on pouvait, à l'abri sous le bateau. Ça a paru interminable mais la tempête a fini par se calmer. On a remis le bateau sur l'eau et on a fini la traversée sans un bruit. On pouvait voir Genève au loin, totalement plongée dans un nuage blanchâtre de brume épaisse. On a plus reparlé de Korg. Quelque part, je suis un peu soulagé qu'il ne soit plus avec nous, il aurait fini par faire quelque chose de stupide. Il ne savait plus où il était, ce qu'il disait. Il avait totalement déraillé.

 

14 h 00

On a chargé les armes. Il faut qu'on avance maintenant mais avec toute cette brume, ça va pas etre facile. On ne voit rien du tout. Le jour est en train de se lever mais le soleil nous éblouit, rendant la visibilité encore plus mauvaise. On perçoit quelques bruits étouffés au loin mais impossible de dire ce que c'est.

Je connais mal Genève. C'est Miligrom qui va nous guider jusqu'au centre-ville. Dieu seul sait ce qu'on va y trouver.

 

15 h 30

Il y a des gens là bas. Dans la brume. Ils parlent bizarrement. Miligrom voulait y aller mais je l'ai arrêté. On ne sait pas qui c'est.

 

16 h 00

On s'est cachés dans un petit magasin le liqueurs. La brume est partout, on ne voit pas à dix mètres. Il y a de l'agitation dans la rue plus loin mais impossible de savoir ce qui s'y passe. Il y a des personnes qui parlent mais soit leurs paroles sont déformées par le brouillard soit ils parlent une langue vraiment étrange. C'est assez guttural. Je préfère qu'on reste là encore un peu. Miligrom est d'accord, je crois qu'il a peur.

 

18 h 00

Il n'y a plus un bruit maintenant. Ils ont du partir. Je ne sais pas qui c'était. Miligrom pense qu'on aurait du y aller, que c'était surement les secours. Mais je sais qu'on fond de lui, il ne le pense pas. On a bien fait d'être prudents.

On va dormir dans ce magasin. On est a l'abri ici, bien cachés. On verra demain, en espérant que la brume sera tombée et qu'on y verra plus clair.

 

 

 

 

20 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 10

 

 

Chroniques BlogLUCA

 

09 juin 2014

 

Hier, j'ai tout dit à papa. Il n'était pas fâché, il avait juste l'air très triste. Je lui ai demandé ce que c'était le message à la radio et il m'a dit qu'il se passait des choses graves, là-bas dehors et que nous on devait pas sortir tant que les secours étaient pas arrivés. Je lui ai demandé pourquoi il me l'avait pas dit, que j'étais plus un bébé. Il m'a dit : « Je voulais pas te faire peur. » Et c'est vrai que maintenant j'ai peur. Il a rajouté qu'il avait aucune idée de ce qui se passait et je le crois. Je crois que lui aussi il a peur et c'est la première fois de ma vie que je me rends compte que papa peut aussi avoir peur. Il était pas fâché pour la radio et il a même dit que je pouvais la rallumer et que ce serait bien si je pouvais parler à quelqu'un mais j'ai réessayé, personne ne répond.

Je lui ai demandé la permission d'aller voir Louise et il a dit : « Non. C'est non, Luca. On ne sort pas de la maison. Louise et ses parents ils ne peuvent pas sortir non plus, ils se fâcheraient si ils te voyaient dehors. »

Alors je lui ai dit que lui, il était sorti le premier jour pour voir les parents de Louise mais il a dit que c'était pas pareil. Que c'était un adulte et que, donc, c'était pas pareil. Mais au fond, je vois pas ce qui est pas pareil. Je lui ai demandé si ils allaient bien mais il a juste murmuré un « Oui, je crois ». C'est bizarre. J'ai peur pour Louise. Il n'y a pas de lumière chez eux mais papa a dit que c'était normal, qu'il n'y avait plus d'électricité : « Nous on a un transformateur au garage, c'est pas pareil. » il a rajouté.

Je lui ai raconté pour le bruit à la cave mais il a dit que c'était rien, que je m'imaginais des choses quand j'étais à la cave parce que depuis que j'étais petit, j'avais une peur terrible de la cave. Mais quand même, je sais que j'ai entendu des vrais bruits.

Papa a pris son fusil et il a fait le tour des fenêtres, pour me montrer qu'il n'y avait rien dehors.

Il m'a expliqué que le sable, le soir, c'était comme des tempêtes tropicales. Ça allait passer. Je lui ai demandé d'où il venait le sable noir et il m'a juste répondu qu'il n'en savait rien mais que ça allait passer.

Après, je suis allé lire dans ma chambre. Un épisode du Commissaire Super. Dans cet épisode, le Commissaire Super pourchasse son fils. C'est un criminel qui braque des banques et des bijouteries mais il ne tue jamais personne. Il prend tout l'argent mais il n'en fait jamais rien. La plupart du temps, on retrouve l'argent, dispersé dans les rues des quartiers pauvres. C'est un peu comme un Robin des Bois mais le Commissaire Super dit qu'un criminel reste un criminel quoi qu'il fasse avec ses butins.

Dans l'épisode, il coince son fils dans un vieil entrepôt. Ils sont tous les deux, seuls. Le Commissaire lui demande : « Pourquoi agis-tu ainsi ? Rejoins moi du coté des gentils. On peut lutter pour la justice ensemble. » et son fils lui répond : « Tu crois être du bon côté mais tu ne l'es pas. Tu es autant en prison que les criminels que tu y jettes. Moi, je suis libre. » Le Commissaire Super reste perplexe et lui demande ce qu'il a raté, avec son éducation. Et son fils lui dit : « Tout, Commissaire, tout. »

Jamais il n'appelle son père papa mais Commissaire. C'est étrange.

Alors le Commissaire Super sort son arme et dit à son fils qu'il n'a pas le choix, qu'il doit l'arrêter. Son fils explose de rire. « Vois ce qu'ils ont fait de toi. Prêt à arrêter ton propre fils, Commissaire. Tu as perdu toute morale, ton esprit est vide et à choisir entre la vie qu'ils t'ont offerte et le crime, je choisis le crime ! »

Le Commissaire est ébranlé par ce que lui dit son fils et il abaisse son arme. L'autre en profite et s'enfuit par une fenêtre, en sautant du troisième étage. Et c'est la fin de l'épisode. Le Commissaire Super rentre au commissariat et ses collègues ne lui disent rien parce qu'ils savent que c'est dur pour lui de lutter contre son fils et de ne jamais pouvoir l'arrêter.

Il y a même l'inspecteur Joles qui lui dit : « Le jour où tu voudras arrêter ton fils, tu l'arrêteras. » Le Commissaire Super lui répond qu'il le veut, vraiment. Et l'autre se contente de hausser les épaules.

 

Je ne comprends pas vraiment son fils. C'est bizarre ce qu'il dit à son père. Et pourquoi il l'appelle Commissaire et tout ça. Le fils, c'est un personnage qu'on aime pas et qu'en même temps on aime bien. Et à chaque fois qu'il y a une histoire avec son fils, le Commissaire Super, il est un peu moins Super. Il est même un peu nul. Il arrive jamais à l'arrêter et il trouve jamais rien à lui dire pour lui faire changer d'avis, sur le crime et tout ça.

Papa dit que l'auteur doit avoir un problème avec son père mais je ne sais pas pourquoi il dit ça. Peut être que je suis trop petit pour comprendre. En tout cas, c'est ce que dit papa. Moi, si papa était le Commissaire Super, je serai super fier et je voudrais l'aider dans ses enquêtes.

 

10 juin 2014

 

Il n'y a toujours personne à la radio. A part le message du gouvernement qui tourne en boucle.

Papa, il boit du whisky en bas, avec son fusil. Je crois qu'il parle un peu tout seul. Il a l'air triste, j'aime pas ça.

J'ai décidé de faire une nouvelle bêtise tout à l'heure. Je vais aller voir Louise, même si papa il veut pas. Je suis déjà sorti dehors et je suis pas mort, non ? Je ne sortirai pas pendant les tempêtes, ça non. Mais la journée, moi je dis que ça risque rien. Louise, elle doit s'ennuyer. J'ai envie de savoir comment elle va. Et de jouer un peu avec elle. Juste le temps de faire une partie d'échecs, de la battre (je la bats toujours) et je rentre, ni vu ni connu.

Comme papa a fermé la fenêtre de derrière, je vais passer par la porte de la cave, celle qu'on ouvre jamais. Ça me fait un peu peur mais bon, ça va, je suis plus un bébé. Et puis, Louise m'aidera à résoudre toute cette énigme des orages et tout. Je piétine. Elle en sait peut-être plus que moi.

Après manger, je ferai semblant de réfléchir à l'énigme de papa dans ma chambre et j'irai dans la cave. Souhaite moi bonne chance, cher journal !

 

 

Je regrette ma bêtise ! Si tu savais, journal, ce qui s'est passé. Je suis sorti par la porte de la cave et j'ai fait le tour du jardin pour passer par derrière, comme l'autre fois. Sauf qu'une fois dans le jardin, je me suis retrouvé nez à nez avec l'homme malade de l'autre jour, l'homme arbre ! Il était assis dans une drôle de position dans l'herbe sèche. On aurait dit qu'il dormait. Je suis resté bloqué et je l'ai fixé du regard, je ne pouvais plus bouger. Et là, en quelques secondes, il était debout et il avançait vers moi, comme si il avait senti ma présence. J'ai hurlé aussi fort que j'ai pu. Il a continué à s'avancer vers moi, avec ses yeux noirs. Je me suis collé à la porte de la cave mais je ne pouvais pas faire un geste, j'étais tétanisé par la peur. J'aurai du rentrer dans la cave et m'enfermer maintenant que j'y pense mais sur le coup, je n'arrivais même plus à penser. Je hurlais à pleins poumons, c'est tout.

Il est venu sur moi et il m'a attrapé par le pull. Il m'a soulevé, mes pieds ne touchaient même plus par terre et son visage a presque touché le sien. Ses yeux étaient horribles, tout noirs et méchants. Je ne sais pas ce qu'il voulait. Me tuer, sûrement. Mais pourquoi, je ne lui avais rien fait, non ? Il m'a dit quelques mots, d'une voix bizarre. « Ils arrivent. Vous n'avez plus rien à faire là. »

Puis un coup de feu a retenti dans l'air. L'homme-arbre a été éjecté à plus de trois mètres. Sa tête pendait étrangement sur son torse. Il s'est écroulé au sol et c'était fini. Je n'entendais plus rien à part un sifflement aigu dans mes oreilles. Papa était là, derrière moi, son fusil armé, de la fumée en sortait. Je me suis mis à pleurer et à respirer très fort, comme si je m'étouffais. Papa est arrivé vers moi, m'a mis une baffe si fort en pleine figure que je me suis évanoui.

 

Quand je me suis réveillé, papa buvait un whisky dans le salon et j'étais couché dans le canapé. J'avais mal partout et je ne savais même plus où j'étais. Quand je me suis rappelé, j'ai eu honte de moi et de la bêtise que j'avais fait. Surtout que c'était la deuxième fois que je la faisais. J'ai murmuré : « Papa.. je voulais juste aller voir Louise. » et il m'a répondu une chose horrible d'un ton glacial que je ne lui connaissais pas : « Louise est morte, Luca. Et ses parents aussi. Depuis bientôt une semaine. »

Il a continué à boire son whisky et n'a plus rien dit. La tête me tournait et je me suis rendormi, le cœur en miettes, le cerveau en purée. Je ne pouvais pas croire ce qu'il avait dit. J'ai fait des cauchemars horribles avec des monstres qui faisaient du mal à Louise et quand je me suis enfin réveillé, j'étais dans mon lit, la tête en feu et je m'étais fait pipi dessus. Ça faisait des années que ça ne m'était pas arrivé.

Papa est super en colère et si il dit vrai pour Louise et ses parents alors mon enquête touche à sa fin. Il ne m'aurait pas menti. Je le sais. Je ne sais pas ce que je dois faire.

Cette nuit, j'ai envie que papa dorme avec moi mais je n'ose pas le lui demander.

17 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 9

Chroniques Blog      DIANE

 

14 juin / Diane

 

J'ai finalement passé l'après-midi avec l'homme du bas. Il dit s'appeler Emmanuel.

Il est entré dans la chambre en fin de matinée tandis que j'étais cachée sous le lit. Il a fait le tour, pris une peluche, regardé dans l'étagère puis s'est assis sur le lit d'en face. Je retenais ma respiration mais mon cœur battait tellement fort que j'étais sûre de me faire repérer. Mais il n'a pas vu que j'étais là.

Il s'est mis à pleurer. Un peu au début puis de plus en plus fort. Il a ouvert les vannes. Ça m'a foutu un coup. Entendre toute cette douleur, cette lassitude, je me suis mise à pleurer à mon tour, sans pouvoir me retenir. Je crois que j'en avais besoin aussi, c'était incontrôlable.

Il m'a entendu et s'est arrêté de pleurer. Je suis sortie de sous le lit et j'ai dit : « Bonjour, je m'appelle Diana. ». Il était surpris mais il a souri. Il portait un gros manteau noir et un jeans crasseux. Sa barbe n'avait pas été rasée depuis plusieurs jours et toute la misère du monde se lisait dans ses yeux. Il m'a demandé ce que je pouvais bien fabriquer sous ce lit et je lui ai expliqué la situation, mon histoire depuis le début des évènements en quelques phrases confuses. Il ne m'a pas interrompu mais a seulement opiné de la tête. Il a conclu en disant :

« Je ne suis pas dangereux. » Ces quelques mots ont suffi pour que toute crainte s'envole. Il a l'air gentil et puis j'ai tellement besoin de parler à quelqu'un. Finalement, je n'ai jamais été si heureuse de rencontrer quelqu'un.

On a parlé un moment de tout ce qui s'était passé depuis une semaine. Chacun avait besoin de parler, d'être écouté.

 

J'ai vite repéré qu'il semblait avoir mal au dos. Je lui ai demandé s'il s'était blessé mais il a répondu sèchement que ce n'était rien. Il a une sorte de bosse à la base du cou qu'il essaie de dissimuler avec ce lourd manteau noir mais je peux voir qu'il y a quelque chose qui cloche avec son dos. Il est devenu blanc quand je lui en ai parlé et il a changé de sujet aussitôt. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé et je n'ai pas voulu insister.

On est redescendus et on a fait la cuisine. On a mangé en silence puis on a vidé trois bouteilles de vin en parlant des meilleurs films qu'on avait vus ces dernières années. C'était plutôt bizarre mais ça faisait un bien fou de parler de choses banales même si on a pas vraiment les mêmes goûts en matière de cinéma.

Je ne sais pas ce qu'on va faire mais au moins, je ne suis plus seule. Peut-être va t-on repartir à la recherche de secours ou d'autres survivants.

C'est la première fois en une semaine que je vais aller dormir, l'esprit vide, protégée par quelqu'un, avec le projet de me sortir de cette merde, et de ne pas mourir dans une maison étrangère, seule et sans espoir.

 

15 juin / Diane

 

Emmanuel était dans le jardin ce matin, devant un feu. Il s'est retourné, m'a vu et a souri. Un joli sourire, ça m'a fait un bien fou. Je lui ai demandé ce qu'il fabriquait. Il m'a répondu  : « Merci, j'ai bien dormi. » J'ai souri à mon tour et c'était la première fois depuis le premier juin de cette maudite année. C'est comme si mes lèvres avaient brisé l'épaisse couche de glace qui les recouvrait. Ça m'a couté mais je crois que ça ressemblait quand même à un sourire.

« Alors, on joue à l'âge de pierre ? » lui ai-je balancé, sur le ton de la blague. Et je me suis dit : deux sourires, une blague, bon sang, qu'est ce qui m'arrive ?

« J'ai brûlé les chaises du salon. Ça ne t'ennuie pas, au moins ? Je sais que tu y tenais particulièrement. »

« Oh, c'était du Ikéa, je crois. »

« Je vais faire du thé. Ça te va ? »

« Je préfère le café mais vu les circonstances, je dirais que ça me va parfaitement. »

« Le café, c'est mauvais pour le cœur »

« Vu l'état de mon cœur en ce moment.. »

Ça, ça ne l'a pas fait sourire et moi non plus.

« Alors, comment tu vois les choses ? »

« C'est-à-dire ? »

« Qu'est ce qu'on va faire maintenant ? »

Il y avait un « on » à présent. Je n'étais plus seule et c'est le premier matin ou je sentais de l'espoir renaitre en moi. Le voir là, faire du thé, prendre les choses en main. C'est peut-être stupide ce que je vais dire et tant pis pour les cinquante ans de féminisme qui sont derrière moi mais une femme a besoin de ça.

« Je ne sais pas Emmanuel. Je n'en sais rien. Il faut trouver la police, l'armée. Les gens. Non ? »

« Si. Mais où on cherche ? »

« A toi de me le dire. »

Il a mis de l'eau dans une casserole, l'a posée sur une grille de barbecue, au dessus du feu et s'est tourné vers moi. Il a soupiré.

« Faut aller à Genève. Ou en tout cas vers Genève. C'est la plus grande ville du coin. Tout mon village est mort. St Quentin, tu connais ? »

« Oui. »

« Il n'y a plus personne là bas. »

« Tu y vivais ? »

« Mmm. »

« Avec qui ? »

« Seul. »

« Tu étais seul la première nuit ? »

« Non. J'ai la garde partagée de ma fille. Elle était là pour le week-end. Elle avait dix ans. »

Je n'ai rien rajouté. Il n'y avait pas grand-chose à dire de toute façon. Toute notre bonne humeur s'est dissipée, comme un mauvais rêve. Une tristesse infinie s'est lue sur son visage.

« Et toi ? Tu as perdu qui ? »

Cette phrase était horrible. Mais il fallait bien qu'on en passe par là. On ne pouvait pas faire semblant de discuter autour d'une grillade en prétendant que tout allait bien.

« J'étais avec ma sœur, sa fille et son mari. Pour le reste de ma famille, je n'ai plus que mon père. Et je ne sais pas. Il habite loin d'ici mais de toute façon, ça fait des années que je n'ai plus de nouvelles. »

« C'est peut-être l'occasion d'en ravoir, non ? »

« Non. Il n'y aura plus d'occasions. »

J'ai cru qu'il n'allait pas insister mais il l'a fait. D'une voix calme et douce comme pour dire: « Si tu ne veux pas aller plus loin, pas de souci. Si tu as besoin, vas-y, j'écoute. », il a dit :

« Pourquoi vous vous êtes fâchés, avec ton père ? »

« Il n'est pas venu à l'enterrement d'une petite fille. A mes yeux, c'est comme si deux personnes étaient mortes ce jour-là. »

Il n'a rien répondu. Et je n'ai rien rajouté. Ça faisait beaucoup, je ne connais même pas Emmanuel. Je n'ai jamais parlé à quelqu'un de cette façon dans toute ma vie. Pas même à Van, en fin de compte. C'est surement les circonstances qui permettent ça. On a plus rien à perdre.

« Il est à quoi ton thé ? »

« Camomille. J'ai trouvé que ça dans les placards. »

« En arrivant, j'ai fouillé un peu partout dans la cuisine et j'ai trouvé une collection de vidéos pornos bien planquées au fond d'un placard. »

Emmanuel a souri.

« C'est vrai ? Ah, ah, moi je planque les miennes mieux que ça. »

On s'est regardés puis on a éclaté de rire. Ça faisait un bien fou. On s'est calmés, un sourire figé aux lèvres et le silence glacial du village est retombé au dessus de nous, comme une toile d'araignée qu'on aurait repoussé en soufflant dessus et qui revient inexorablement vous coller au visage.

« Comment on va aller à Genève ? Les voitures ne fonctionnent plus. »

« Il y a des vélos dans le garage, j'ai vu. On va pédaler. Ce n'est pas si loin. On passera d'abord par Nyon, voir si il y a des rescapés là-bas et s'il n'y a pas de secours, on continuera vers Genève. »

« Ça fait deux plans en un. »

« Exactement. Comme ça si Nyon ne donne rien, il y aura toujours de l'espoir avec Genève. »

« Pas bête. »

« Eh oui. Je suis fin stratège. »

« C'est sûr, organiser un plan de sauvetage avec deux vélos, c'est subtil. »

« Sur le papier, c'est sur que c'est pas glamour mais si tu as une meilleure idée... »

« En patins à roulettes, ça pourrait être bien aussi. »

« Pourquoi pas, ça donnerait un aspect encore plus dramatique à la situation. Mais je ne sais pas en faire. »

« Sérieusement ? Si tu veux, je t'apprends. »

Il n'a rien dit. Il a regardé le ciel d'une étrange façon, s'est retourné vers moi et a dit :

« Tu sais quoi ? Apprends moi le roller. Cet après-midi. Il est jamais trop tard et on a rien d'autre à faire. »

« Tu plaisantes ? »

« Non. Qu'est ce qu'on a de mieux à faire ? Se lamenter sur notre sort en vidant le bar ? »

« Ça, ça me paraît une bonne idée. »

« Sans rire, il y en a dans le garage. On les sort et tu m'apprends. J'ai jamais eu l'occasion. »

Il était tout ce qu'il y a de plus sérieux. Un vrai gamin.

« Eh bien, soit. Si tu veux. Pourquoi pas ? Mais ça fait longtemps que je n'en ai pas fait. »

« Ça, c'est ce que disent tous les nullards. »

« On verra qui est le nullard. »

 

On a passé trois heures dans l'allée du jardin, à faire du roller. Pendant trois heures, je n'ai pensé à rien. On a ri. On est tombés et on a encore plus ri.

Puis la nuit a commencé à tomber et on est rentrés. Cette nuit, on a décidé de dormir dans la même pièce, lui sur un matelas et moi dans un lit.

 

 

16 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 8

 

 Chroniques Blog        DAVID

 

 

Rapport 22/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

 

Sergent David Fresnes.

04/06/2014 10 h 45

 

Le jour vient de se lever sur la base 42-Nord. Nous l'avons atteinte dans la nuit après avoir essuyé la tempête noire sur nos vélos. Nous étions à bout de force, sans moral mais nous l'avons fait tout de même. Le noir total nous entourait vu que la dynamo de nos vélos n'éclairait pas à plus de cinq mètres devant nous. Le vent hurlait et la poudre claquait contre nos vêtements. Nous avions protégé nos visages avec des foulards mais nous avons tous les trois avalé une certaine quantité de ce produit. Nous n'avons, pour l'instant, ressenti aucun effet inquiétant.

 

Lorsque nous sommes arrivés, la base était vide. Nous avons traversé les bâtiments administratifs, le Mess, les quartiers puis les hangars techniques. Pas une trace de vie, personne. Pas de corps. Rien.

Miligrom a supposé que les soldats et les civils de la base avaient été mobilisés ou évacués. Mais, mêlées à la poudre noire jonchant le sol, on a vite trouvé des taches de sang. Petites d'abord puis de plus en plus grandes. On aurait dit qu'on avait trainé les cadavres vers l'arrière de la base. Des pistes sanguinolentes convergeaient vers le terrain d'entrainement.

J'ai enlevé la sécurité de mon arme et nous avons avancé en silence vers la porte du fond du hangar numéro 3, là où toutes les trainées s'arrêtaient. J'ai ouvert la porte sans faire un bruit. Le grand terrain d'entrainement s'étendait devant nous avec ses parcours militaires, ses cibles et la forêt qui lui servait de frontière, plus au nord. Tout était calme.

On pouvait suivre le sang dans l'herbe rase et nous avons continué, dans l'attente de trouver un énorme charnier. En fin de compte, ce que nous avons trouvé était bien pire.

Au fond, près des stands de tir, un homme se tenait, une pelle à la main. C'était un soldat en uniforme. Il creusait.

On s'est rapprochés de lui en essayant de ne pas se faire remarquer. Il y avait un cadavre à ses côtés, il semblait creuser une tombe pour lui. On s'est regardés avec Miligrom et Korg. Ce gars devait avoir creusé une tombe pour chaque type mort là dedans. Il avait eu le courage et la force de faire ce que nous n'avions pas pu faire dans notre base.

Je l'ai interpellé, de loin. Il s'est retourné et j'ai compris que quelque chose ne tournait pas rond. Il avait le regard vide et les pupilles totalement dilatées. Ses yeux ressemblaient à deux billes noires, énormes et inexpressives. Il était livide et essoufflé. Il semblait au bord de l'évanouissement.

Puis Korg a crié. Il a pointé du doigt le terrain de tir en grimaçant. Je n'ai rien vu au début puis ça m'a sauté aux yeux en moins d'une seconde. On voyait des têtes d'hommes dépasser du sol tous les dix mètres environ, alignés comme des poireaux dans le sol sec et poussiéreux.

L'homme avec sa pelle nous regardait, sans dire un mot.

« Qu'est ce que tu as fait ? » lui a crié Miligrom.

« J'ai..j'ai fait,. » l'homme bredouillait, apparemment confus. Il a lâché sa pelle. « Je dois les planter. Pour que. Pour que. Pour que. »

Korg avait les yeux fixés sur les têtes plantées dans le sol. Miligrom et moi, on se tenait là et c'était indescriptible, ce moment. Je ne savais pas quoi faire, pas quoi dire. Ça dépassait les limites de l'horreur, ce qu'avait fait ce type. Et en même temps un tel calme régnait sur le lieu, un tel silence que je n'arrivais pas à m'indigner. J'aurai voulu le détester, lui casser la gueule mais il se tenait là, l'air complètement perdu et j'avais juste envie de partir et de le laisser là, à planter des hommes.

Mais Miligrom s'est approché de lui et l'a poussé en lui hurlant des obscénités. L'homme n'a pas tenté de riposter. Il a juste dit : « C'est eux qui m'ont dit. Ils m'ont dit de les planter. Alors, je les plante. C'est les voix, dans ma tête.. »

Miligrom lui a décoché un coup de poing en plein visage et l'homme est tombé, sans un bruit. Je me suis approché. L'homme semblait mort et après vérification, nous avons constaté qu'il l'était vraiment.

Nous n'en avons pas vraiment parlé avec Miligrom mais il est clair que l'homme était à bout de forces et qu'il serait mort de toutes façons. Le coup de poing a tout juste accéléré les choses. Il avait passé les deux derniers jours à enterrer plus de deux cent cinquante hommes à la verticale dans une terre sèche et dure à l'aide d'une simple pelle. Je ne sais pas qui sont les voix dans sa tête qui l'ont poussé à faire ça mais elle devaient être sacrément convaincantes.

On a retrouvé le reste des cadavres empilées à la lisière de la forêt.

 

On a discuté pour savoir ce que l'on allait faire de tous ces hommes enterrés là mais il a vite été très clair que personne n'avait la force ni même l'envie de déterrer ces pauvres bougres. Alors, on a recouvert leur tête de terre et c'est tout ce qu'on a pu faire pour eux. Miligrom a ajouté : « De toute façon, ils sont morts. » Et j'ai été bien d'accord avec lui.

Après ça, on a fouillé le Mess et on a trouvé du whisky. On a tous bu un coup mais le cœur n'y était pas.

Korg a dit : « C'est qui eux ? Ceux qui lui ont dit de faire tout ça ? A votre avis ? »

« Je crois juste qu'il était fou. » a rajouté Miligrom.

« Je ne sais pas si ça suffit pour justifier tout ça. Il a obéi jusqu'à mourir d'épuisement. »

« Alors, il n'était pas juste fou. Il était complètement taré. »

« Ou peut-être cela a un rapport avec les gens qui ont commencé tout ça. Les Eux. C'est peut-être les gens qui ont lancé cette saloperie de poudre sur nous. »

Miligrom a haussé les épaules et je n'ai rien rajouté. Je ne peux faire aucune conclusion mais je dirais simplement que les yeux de cet homme abritaient bien plus qu'une simple crise de folie. Ils avaient quelque chose d'irréel, de malsain. Comme si un œil humain n'était pas fait pour ressembler à ça. C'était presque... surnaturel. Je ne devrais pas mettre ça dans un rapport officiel mais c'est ce que j'ai ressenti.

Et qui va lire ce rapport de toute façon ? Je commence à me le demander sérieusement.

 

Nous n'avons pas vraiment décidé de la suite des évènements. On va juste dormir un peu pour nous remettre de cette nuit sur les vélos et on avisera à notre réveil.

On va peut-être mettre le cap sur une autre ville. Ou traverser le lac pour atteindre Genève, comme l'a proposé Korg. Je ne sais pas quoi faire. Il faut qu'on sache ce qui se passe et qu'on trouve des survivants.

 

 

10 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 7

Chroniques de la fin d'un monde -Chapitre 7

Chroniques BlogLUCA

 

 

08 juin 2014

Papa m'a dit que le monsieur bizarre n'était pas revenu dans la nuit et qu'il ne reviendra jamais mais moi, je n'ose plus regarder par la fenêtre de la maison, j'ai l'impression qu'il est toujours là, à attendre. Si je le revoyais, je mourrais de peur. Mais papa a dit qu'il lui mettrait un coup de fusil si il le revoyait. Et ça j'ai trouvé ça cool.

Enfin, les fusils je trouve pas ça cool. Mais que papa lui mette un coup de fusil, alors oui, ça c'est cool.

Papa, aujourd'hui je le vois bien, il surveille le jardin. Le fusil est posé sur la table du salon. Alors, j'ai une idée. C'est peut-être pas très gentil comme idée mais il faut que je le fasse. Voilà l'idée : comme papa est bien occupé et ne fait pas trop attention à ce que je fais, je vais en profiter pour aller chercher ma radio. Je vais fouiller partout et je vais bien finir par la trouver. Il faut que j'avance dans mon enquête parce que, comme dit le Commissaire Super, l'enquête piétine.

Je ne sais pas trop par où commencer. Sûrement par la chambre de papa, elle est à l'étage, à côté de la mienne. Je sais qu'elle ferme à clef mais papa ferme jamais. Donc c'est bon. Je vais aller fouiller et je reviens te dire ce que j'ai trouvé, cher journal.

Bon, j'ai rien trouvé dans la chambre de papa. Sauf une chose que j'ai pas osé toucher. C'était des lettres de maman pour lui. Si elle lui a écrit des choses quand elle était malade, en train de mourir, alors je veux pas les lire.

Je repars pour le grenier. Il y a une petite échelle pliable qui y mène. Papa y est toujours fourré parce que c'est là-haut qu'il fait ses maquettes. Je reviens.

Rien du tout au grenier. Il me reste la chambre d'amis, le salon, la cuisine, la salle pour le linge et la cave. Mais la cave, j'ai trop peur d'y aller. Et c'est bien pour ça que papa a sûrement du cacher la radio là-bas. Élémentaire !

Mais j'irai en tout dernier.

 

Ok, bilan : rien du tout dans la chambre d'amis, ni dans le salon, encore moins dans la cuisine et le vide total dans la salle pour le linge. Reste la cave. Je prends mon courage à deux mains et j'y file discrètement. Je trouve ma radio, je remonte sans un bruit et c'est dans la poche. Allons-y.

J'ai trouvé ma radio ! Papa n'a rien vu, je vais aller l'installer mais avant il faut que je raconte ce que j'ai entendu dans la cave. C'est ennuyeux parce que je ne peux pas le raconter à papa sinon il va me demander ce que je faisais à la cave et je saurais pas quoi lui dire et il va se douter que je suis allé chercher ma radio. Il faudrait que je lui dise, quand même. Je vais rebrancher un peu ma radio et j'irai lui raconter, on verra bien, peut-être qu'il me la laissera quand même.

Je suis descendu discrètement mais c'était pas facile parce que la porte de la cave elle fait plein de bruits vu que c'est une vieille porte en bois. Il faisait tout noir et j'ai pu allumer la lumière que quand j'ai refermé la porte derrière moi pour pas que papa il se doute de quelque chose. Alors, je me suis retrouvé en haut de l'escalier, dans le noir pendant quelques secondes et c'était pas du tout agréable. Mon cœur s'est mis à cogner très fort. Il y avait cette odeur de moisi qui remontait vers moi, je l'aime pas cette odeur mais alors pas du tout.

J'ai allumé et je suis vite descendu, j'avais pas envie de trainer là. Le pire dans la cave, c'est le vieux puits. On s'en sert plus et il est scellé mais il y a quand même de l'eau dedans. Elle doit être vieille et pourrie. Je sais qu'il y a de l'eau parce qu'il y a un petit trou dans la grosse plaque de bois qui le recouvre. Une fois, j'ai jeté un caillou et ça a fait plouf au bout d'un moment. Un long moment. Ce puits, il me donne des frissons quand j'y pense.

Je ne l'ai même pas regardé et j'ai commencé à fouiller sur les étagères pleines de bocaux vides puis dans les cartons où il y a plein de vieilles choses qui servent plus à rien. J'ai même retrouvé le vieux carton avec mes vieilles peluches et ça m'a fait mal au cœur de les voir là, seules dans ce vieux carton humide au fond de la cave. Il faudra que je les remonte, un jour. C'est pas normal qu'elles soient là.

J'ai trouvé la radio assez rapidement, posée derrière une pile de cartons. J'ai été trop content sur le coup mais c'est à ce moment là que j'ai entendu les bruits sur la porte de la cave qui donne dans le jardin. C'est une vieille porte qui est toujours fermée à clef et qui donne sur l'arrière de la maison, dans le jardin. C'est comme si quelqu'un était dehors et grattait à la porte. Tout doucement, mais je l'ai bien entendu. J'ai écouté un instant puis ça s'est arrêté. Après, j'ai couru et je suis remonté en essayant de pas faire un bruit, la radio sous le bras.

Papa était toujours dans le salon. Il a rien entendu.

Et si c'était l'homme-arbre qui grattait à la cave ? Ou alors c'était juste le « fruit de mon imagination ». Je ne sais pas mais j'ai envie que papa aille vérifier avec son fusil. Je vais jouer un peu avec ma radio et je vais tout lui raconter après.

J'ai allumé ma radio. Elle marchait parfaitement mais il n'y avait toujours personne qui répondait sur les fréquences que je connais bien. J'ai commencé à tourner au hasard et je suis tombé sur une voix. J'ai écouté un peu mais il y avait des parasites. J'ai essayé de communiquer avec eux mais il n'y avait pas de réponses, juste cette voix monotone que j'entendais mal. Je crois bien que c'était la voix du monsieur avec qui papa parlait l'autre jour.

J'ai mieux réglé la fréquence et alors j'ai bien entendu. C'était un message enregistré. Il passait en boucles, je l'ai écrit sur un papier, voilà ce que ça dit:

« Citoyens, citoyennes, la situation est sous le contrôle du gouvernement suisse. Ne sortez pas de chez vous et attendez l'arrivée des secours. D'ici 24 heures, les unités de secours à la population seront déployées, restez à l'abri en les attendant. Économisez l'eau et toute source d'énergie. La zone est contrôlée par les forces armées et les secours civils ne tarderont pas à arriver chez vous si ce n'est pas déjà fait. Restez à l'écoute de la fréquence gouvernementale et ne paniquez pas, la situation est sous contrôle. »

C'était ça mais en boucle. Je ne sais pas depuis quand tourne ce message mais ça fait plus de 24 heures que les tempêtes ont commencé. Parce que c'est bien pour les orages, ce message, non ? Ils parlent de l'armée, du gouvernement et tout et tout. C'est bizarre, non ? Je croyais que c'était juste des orages. L'école est fermée, les autres, on les voit plus jamais. Je comprends rien, là. Il faut que je parle à papa, tant pis pour la radio où s'il est fâché que je sois allé fouiller partout.

 

5 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 6

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 6

 

 

Chroniques BlogDIANE

 

 

11 juin / Diana

 

Il n'y a pas un bruit dehors. Tout juste un peu de vent dans les arbres. Le ciel est gris comme quand un orage se prépare. J'ai recouvert les corps de la famille avec des couvertures mais je les vois encore de la fenêtre de la cuisine. Ils dorment paisiblement sous leurs duvets de camping bon marché. C'est le seul suaire que j'ai pu leur offrir.

L'électricité n'est toujours pas revenue et j'ai l'impression qu'elle n'est pas là de revenir. Je flippe de revoir l'autre cinglé avec ses bouts de gens dans son sac. Je ne crois pas qu'il m'ait suivi mais je ne suis pas tranquille. Je vais rester ici un moment, bien cachée. Il y a des boites et des soupes déshydratées à ne plus savoir quoi en faire dans la cuisine. Bien que sans eau chaude, les soupes déshydratées...

J'ai mal au ventre toute la journée, j'ai pris des trucs dans l'armoire à pharmacie de la salle de bain mais ça ne passe pas. Je suis tendue comme un élastique prêt à craquer. Mes boyaux sont tordus par le stress. Ça me le faisait tout le temps quand j'étais petite. Aussi, mon psoriasis disparu depuis des années commence à revenir au niveau de mon cou et un peu sur le visage, sous les oreilles. Tous les signes de la panique, de l'angoisse et des nuits sans sommeil. Je n'attends qu'une chose, c'est que des secours arrivent. Des pompiers, des militaires, des flics, des ambulances... mais je n'ai pas vu l'ombre d'un uniforme depuis que ça a commencé. Que dois-je en déduire ?

La zone est sans doute sous quarantaine à cause de cette poudre noire. Mais des militaires avec des masques à gaz, ce serait possible, non ? Mais alors, qu'est ce qu'ils font ?

Je n'arrive pas à me dire que tout le monde est mort, c'est impossible. Il doit rester des gens du gouvernement, de l'état qui sont en train d'organiser un plan de secours.

Il faut juste que j'attende, patiemment, sans me ronger les sangs inutilement. Il faut que j'écrive tous les jours, même si je n'ai rien à dire. C'est vital ou bien je vais commencer à parler toute seule, à débloquer, à péter un câble et à faire des choses... inappropriées.

 

J'ai beaucoup pensé à Van ces derniers jours. J'ai repassé dans ma tête nombre de discussions que l'on a eu il n'y a encore pas si longtemps. Les choses ont bien changé en peu de temps et mon point de vue sur de nombreux sujets est certainement en train d'évoluer.

Par exemple, Van disait toujours : « Je ne veux pas faire partie de ce système, je ne veux faire partie d'aucun système ». Et j'ai toujours approuvé en me disant qu'un système est une chose qui vous écrase et vous empêche de vous développer individuellement comme vous le voulez. Une sorte de machine invisible, extérieure à vous et au monde qui impose son rythme, ses valeurs.

Mais maintenant, je me demande : « C'est quoi un système ? Notre système ? ». Et la réponse est que le système est tout ce qui n'existe plus aujourd'hui pour moi. Pas forcément que les gens. Mais ce que font les gens, ce que disent les gens, ce que réalisent les gens, ce qu'ils vous proposent de faire sans que vous en ayez eu l'idée seul. Le système c'est la possibilité d'avoir une chaise en bois alors que je suis incapable de la fabriquer, d'avoir une montre alors que je ne sais absolument pas comment ça marche, d'allumer une lampe et de trouver ça normal alors que 90% des gens sont incapables d'expliquer ce qui se passe sur le chemin de l'interrupteur à l'ampoule. Le système était là bien avant moi et sera là bien après moi. J'en faisais partie et Van en faisait partie aussi. Nous avions cet héritage et on voulait s'en débarrasser. Comme si s'affirmer dans son individualité avait une importance quelconque. Je peux vous le dire aujourd'hui, vivre seule, sans les autres, sans ce système ou cette communauté – appelez ça comme vous voudrez – n'a strictement aucun intérêt.

Même Van me paraît petit maintenant. Vaniteux. S'il est en vie, je me demande ce qu'il est en train de se dire. Ses aspirations anarchistes vont elles se réaliser par la force des choses ? Le voilà débarrassé de tous ces idiots. Moi, je parie qu'ils vont bien lui manquer.

Ce n'est peut être pas grand chose et pas très important mais j'aurai au moins réalisé que je ne suis pas comme lui.

Van avait peur de tout, des vaccins, d'internet, des nouvelles technologies, du clonage. Il n'avait aucune confiance en l'avenir. Mais peut-être avait-il raison sur ce dernier point.

 

12 juin / Diane

 

Il pleut averse aujourd'hui. Le ciel est noir et les nuages sont au plus bas. J'ai cru voir passer quelqu'un dans la rue mais je n'en suis pas sûre. Tout est flou par la fenêtre.

Je suis tapie dans la chambre de la gamine. J'ai pris les somnifères de la femme et le whisky du père, je crois que je vais essayer d'oublier cette journée de merde et la journée de demain, au passage. Je me sens déjà toute molle. J'ai l'impression qu'il pleut a l'intérieur de ma tête.

 

Il y a quelqu'un au rez-de-chaussée. Je peux l'entendre fouiller dans les placards.

 

Il n'y a plus de bruit, je crois qu'il est parti.

 

 

13 juin / Diana

 

Il y a quelqu'un en bas. Je sais que c'est un homme parce qu'il parle tout haut. Au moins, au son de sa voix, je sais que ce n'est pas le taré de Jackson. Je suis bloquée au premier étage, dans la chambre de la petite fille, je n'ose pas descendre.

Je ne sais pas à qui j'ai à faire et je ne veux pas me faire violer ou finir en petits morceaux dans un sac. Je préfère attendre qu'il s'en aille. C'est certain que ce ne sont pas les secours, de toute façon.

Il parle de plantes, je crois. J'ai du mal à l'entendre distinctement mais il me semble qu'il jure à propos des foutus arbres dehors et des végétaux qui meurent tous. Je ne sais pas à quel point il a déraillé et je n'ai aucune envie de le savoir.

Il n'y a ni à boire ni à manger là- haut. S'il reste trop longtemps, je vais être obligée de descendre.

J'ai rêvé de Mona, l'autre nuit. Nous allions à la piscine ensemble, comme tous les mercredis après l'école. On rigolait comme deux copines sur le chemin mais on n'arrêtait pas de croiser des petits groupes d'hommes qui portaient des banderoles et des armes de fortune, morceaux de bois, battes de baseball, etc.. Ils avaient l'air en colère contre quelque chose que nous n'arrivions pas à comprendre. Il y en avait un peu partout dans les rues mais il n'y avait pas vraiment de mouvement organisé, plutôt des petits ilots de colère incompréhensibles. On n'y a pas fait attention.

Arrivées à la piscine, on l'a trouvée complètement vide. Pas d'employés, pas d'enfants. Rien. On est montés se changer dans les vestiaires des filles. Personne, pas un bruit. Alors, on a fait vite et quand on est arrivées au bord de l'eau, le rêve s'est transformé en cauchemar pour de bon. Il n'y avait plus d'eau dans le bassin sinon une moisissure horrible et une crasse qui semblait être là depuis des dizaines d'années. Les gradins étaient en ruines, le bois pourri, les vitres noires et brisées. Tout sentait la mort et l'abandon. Des corbeaux avaient élu domicile dans un coin du dôme en verre qui tombait en morceaux. Ils s'envolèrent en nous hurlant dessus, furieux qu'on les dérange dans leur antre cramoisie.

Puis on a entendu une énorme explosion au dehors, comme si le monde implosait littéralement. On est tombées au sol. Mona m'a regardé et m'a dit: « C'est fini. »

Alors, elle a disparu du rêve, sans trop que je sache comment. Je me suis retrouvée seule dans la rue, ridicule en maillot de bain. Il n'y avait plus personne ici non plus, tout le monde avait disparu, plus de groupes de gens en colère, plus de voitures, plus d'oiseaux dans le ciel, plus un brin d'herbe dans les parterres, les arbres s'étaient transformés en bougies violacées qui embrasaient le ciel de leur couleur maladive et de leurs branches atrophiées.

Je suis rentrée chez moi en pleurant et je me suis réveillée ici, dans le lit de la petite fille qui gisait morte dans le jardin et pour la première fois de ma vie, le réveil d'un cauchemar n'a pas été un soulagement.

J'hésite à m'enfuir de la maison pour tenter ma chance sur la route. La ville la plus proche doit être à une dizaine de kilomètres, il doit bien y avoir des gens en vie qui pourront me sauver, des policiers, des équipes de secours. Si je reste ici, je vais devenir folle à lier. Si le type en bas ne me trouve pas avant.

J'ai faim. Je ne l'entends plus mais je suis sûre qu'il est encore en bas.

Je vais essayer de dormir.

 

Tout à l'heure, l'homme est monté à l'étage. Je l'ai entendu se diriger vers la salle de bains. Il a fouillé dans tous les placards comme un enragé. Dieu seul sait ce qu'il cherchait.

Puis j'ai entendu des bruits de succion bizarres et il s'est mis à gémir de douleur. Pas très fort d'abord puis de plus en plus fort. Je ne sais pas ce qu'il fabriquait là dedans. Il doit être blessé. J'ai vu son ombre passer sous la porte de la chambre. Je me suis cachée sous le lit de la petite mais il n'est pas entré. Il est redescendu en pleurant faiblement.

Peut-être devrais-je descendre et voir s'il a besoin d'aide.

 

J'attends demain. La faim me fera descendre de toute manière.

 

 

 

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