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Drug Stories
4 octobre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 20

Chroniques Blog

DAVID

 

 

Rapport 28/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

Sergent David Fresnes.

 

10/06/2014

RAS. On reste tranquilles sans faire de bruits. La rue en bas est calme. Deux créatures sont passées ce matin mais elles ne se sont pas arrêtées.

On a trouvé un jeu de dames. On y joue en silence.

 

Rapport 29/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

Sergent David Fresnes.

 

13/06/2014

 

Ça fait trois jours qu'on est là. On commence à tourner en rond. Ça a l'air de s'être calmé en bas. Demain, on s'en va d'ici. L'objectif est de sortir de Genève le plus vite possible. Miligrom a suggéré d'emprunter le métro. Ils ont fini de construire les premières lignes il n'y a pas longtemps. Si on marche jusqu'à un terminus, on sera aux limites de la ville. C'est une bonne idée, c'est beaucoup moins risqué que de passer par les rues.

On a réussi à déchiffrer le nom de la rue dans la quelle on se trouve sur le mur d'en face. Avec une carte de la ville qu'on a eu la chance de trouver dans la bibliothèque de l'appartement, on a pu se repérer. On est dans le centre mais on est pas loin d'une bouche de métro. On peut récupérer la nouvelle ligne qui va jusqu'à Bernex, au sud-ouest de l'agglomération. Il y en a pour un peu moins de 10 kilomètres en marchant, c'est largement faisable.

Si on atteint l'entrée sans se faire repérer, il faudra prier pour qu'il n'y ait pas de créatures en bas. Ensuite, on aura qu'à marcher sur les rails jusqu'au terminus.

Ce qu'on fera ensuite, une fois sorti de Genève, on n'en a pas la moindre idée. Mais c'est une autre histoire.

Je ne peux pas dire comment se sent Miligrom, on a peu parlé depuis deux jours. La peur nous enlève l'envie de discuter. Je crois que ça va à peu près Je ne sais pas. Moi, ça ne va pas vraiment. Je n'ai jamais été traqué et j'ai beau être un militaire, ça ne veut plus rien dire. Je suis un type ordinaire, apeuré, dans une situation qui le dépasse complètement. Je ne peux pas en dire plus.

 

Rapport 30/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

 

Sergent David Fresnes.

 

14/06/2014

J'écris ce rapport à la lueur d'une bougie dans un tunnel de métro. Il fait froid, noir et l'odeur de la mort devient insupportable.

Nous avons bien préparé notre course jusqu'à l'entrée du métro. On a couru sans se retourner et sans croiser personne. Arrivés à une centaine de mètres, on a aperçu un humanoïde en tenue blanche qui se tenait près de l'entrée. Tout en courant, j'ai levé mon arme et j'ai tiré. L'homme s'est écroulé sans un bruit. Je crois bien que je l'ai tué. C'est la première personne que je tue.

La détonation a du s'entendre a des kilomètres. L'écho est incroyable dans une ville déserte.

On a continué à courir sans se poser de questions et on a plongé tête baissée dans la bouche de métro. On s'est retrouvés happés par l'obscurité. On a continué notre course folle, dégringolant les escaliers comme deux fous. J'étais prêt à tirer à l'aveuglette au moindre bruit suspect. Je crois qu'on est tombés tous les deux à peu près au même moment. On a fini notre sprint au bas d'un escalier, enchevêtrés l'un dans l'autre, haletant comme des bêtes pourchassées.

Miligrom a allumé son briquet. On a jeté un regard vers la lumière en haut mais personne ne semblait nous avoir suivis. Autour de nous, l'entrée de la station se devinait, un guichet à droite, des affiches sur le mur de gauche, des tourniquets. Un silence glacial et une odeur de cadavre qui aurait donnée des nausées à un médecin légiste. On s'est relevés rapidement et on a sauté par dessus les tourniquets. On a couru le long des couloirs en céramique blanche, prêts à ouvrir le feu à la moindre opposition.

On est arrivés sur les quais sans croiser personne. On a soufflé un instant et j'ai allumé une bougie pour avoir plus de visibilité qu'avec le briquet. L'odeur devenait insoutenable. On a avancé un peu le long du quai et l'horreur s'est révélée à nous, dans la demi-lumière vacillante de la bougie que je tenais à la main.

Une pile gigantesque de cadavres s'empilait jusqu'au plafond. Bien serrés en rangs ordonnés. Des cordes rouges de sang les maintenaient ensemble. Miligrom s'est retourné et a vomi bruyamment. Je me suis retenu mais j'ai senti mes jambes me lâcher. Je me suis assis, la main sur la bouche. Il devait y en avoir des centaines, tout le long du quai. C'était un spectacle immonde, révoltant. On aurait dit des piles de journaux.

Miligrom est revenu vers moi, blême. On s'est regardés, interloqués. Il a juré mais sans enthousiasme comme si le langage, même les injures, restait inopérant devant une telle barbarie.

« Il ne faut pas rester là. » m'a dit Miligrom d'une voix faible et sèche. Et il avait plus que raison.

On a sauté sur les rails et on est partis sur la gauche en direction de la station suivante, vers le sud. Le tunnel semblait vide mais il était plongé dans un noir impénétrable et je m'attendais à tomber sur une surprise tous les mètres. On a marché lentement, écoutant les bruits. Il y avait des clapotis et des petits animaux, sûrement des rats, qui s'enfuyaient à notre venue. Sinon, rien, le silence total uniquement brisé par le bruit de nos pas sur les cailloux qui recouvraient le sol.

On est arrivés à la station suivante assez rapidement. L'odeur était encore plus forte. J'ai tendu la bougie vers le quai. Des corps par centaines se tenaient là, empaquetés comme des vieux livres. Les créatures se servent des sous-sols pour se débarrasser de tous les morts.

J'ai vite ramené la bougie vers les rails et on est vite reparti dans les tunnels.

Plus loin, on a croisé une rame de métro bloquée au milieu de la voie. On l'a contourné sans faire de bruit, aux aguets. On a regardé par les fenêtres à la lueur de la bougie. Tout le monde était mort à l'intérieur. Les gens étaient par terre, roulés en boule ou bien vautrés sur les sièges en plastique dur.

On a continué sans un commentaire. Que fallait-il dire de toute façon? Tout cela est absurde, horrible mais il n'y a pas vraiment de place pour les larmes.

Cela a pris plus de temps pour arriver à la station suivante. L'odeur ne faiblissait toujours pas et le quai avait aussi été transformé en charnier. On allait repartir quand Miligrom m'a fait signe de me taire. J'ai éteint la bougie et on a tendu l'oreille. Des bruits de pas nous parvenaient des escaliers de la station, plus haut. On s'est accroupis dans le noir au bout du quai. On pouvait fuir facilement si il se passait quelque chose et on pouvait jeter un œil discrètement vers le quai pour voir de quoi il s'agissait. Peut-être des survivants. C'est ce que j'ai pensé tout de suite mais mieux valait rester prudent.

Une lumière se fit. Faible puis de plus en plus intense à mesure que deux hommes – ou trois, difficile à dire- arrivaient. Ils parlaient dans cette langue étrange que nous avions pu entendre dans les rues de Genève. Ce n'étaient pas des survivants.

Ils sont arrivés sur le quai avec une sorte de petite lanterne. Ils étaient deux et portaient les mêmes combinaisons blanches que les autres. Ils parlaient doucement, respectueusement en regardant le tas de cadavres devant eux. L'un d'eux a fait un signe de la main en leur direction. Une sorte de rond. Il a ramené sa main sur son cœur et a crié un truc dans ce genre : « Yak ! ». L'autre s'est mis à genoux et a répété l'étrange onomatopée, mais très faiblement.

Le premier s'est avancé près d'un cadavre et a plongé une petite lame de fer dans son bras. Du sang s'est écoulé, pâteux. L'autre a sorti un petit récipient et l'a récolté. Le sang était tout coagulé. Ils ont regardé l'échantillon à la lumière de la lanterne et ont échangé quelques mots.

Puis ils sont repartis.

« Tu es sûr que ce sont des extraterrestres ? » m'a demandé Miligrom, une fois le silence revenu.

« Je n'en sais rien. Tu as bien vu leur visage, l'autre jour. Ce ne sont pas des humains. »

« Mais… Qu'est ce qu'ils veulent ? Pourquoi font-ils tout ça ? »

Comme Miligrom savait que je n'en savais pas plus que lui, je n'ai pas répondu. Je lui ai fait signe d'avancer et on a continué le long du tunnel obscur. On a marché un bon moment et on a dépassé deux stations. Je n'ai pas vérifié à l'aide de la bougie mais vu l'odeur, je suis à peu près sûr que les quais étaient remplis de cadavres jusqu'au plafond.

Si ce sont des extraterrestres alors, ils nous ressemblent terriblement. A part les bras mal proportionnés et les yeux. J'ai du mal à y croire mais ça paraît une hypothèse sensée. En même temps, nous n'avons eu l'occasion d'en voir qu'un seul de près. Peut-être était-ce un soldat avec des déformations. C'est possible. Un russe, à cause de la langue.

Pff... conneries. Cette langue, ce n'est pas du russe et ces putains de bras, ils les ont tous.

 

On s'est arrêtés et on se repose. Il n'y a pas un bruit, pas une lumière. Je préfère ça. On se sent en sécurité, ici, avec les rats.

Demain, on devrait atteindre le terminus et sortir de la ville. Une fois là-bas, on verra bien ce qui se passera. On a aucun plan. Peut-être essaiera-t-on de rejoindre la France.

 

Je pense à ma famille. Faites qu'ils aillent bien eux aussi. Si Dieu n'est pas devenu complètement fou, alors qu'il les protège.

 

 

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