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Drug Stories
31 août 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 4

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 4

 

 

 

Chroniques BlogLUCA

 

06 juin 2014

 

 

J'ai fait une énorme bêtise aujourd'hui. Enfin, c'est ce que dit papa parce que, moi, je ne vois pas en quoi c'est une bêtise. Ou bien alors, une bêtise c'est juste quand on désobéit à une règle. Mais si la règle est débile, moi je dis que finalement c'est pas une bêtise.

Papa était sur son fauteuil, devant la baie vitrée. Il regardait la rue mais il n'y avait personne dehors à cause des orages et des problèmes de poudre noire et tout et tout. Les gens restent chez eux. Alors, pourquoi papa il regarde tous les jours la rue, je peux pas le dire. Peut être qu'il attend les pompiers ou les policiers qui viendront enquêter sur les orages. Lui, il me dit qu'il ne fait rien. Mais techniquement, on ne peut jamais rien faire. On fait toujours quelque chose, on pense, on regarde, on écoute, on sent... Donc, je ne sais pas ce qu'il fait.

Pendant qu'il était occupé à ne rien faire devant la baie vitrée, je suis allé discrètement faire une observation sur la porte de derrière, celle qui donne sur le petit jardin du fond. Si je pouvais sortir, je n'aurais plus qu'à sauter par dessus le muret grâce aux vieux bacs à fleurs que j'ai entassés là exprès l'été dernier pour arriver dans le jardin de Louise. C'était un plan sans faille. Sauf que d'après mon observation, la porte était fermée à clef. Papa m'a interdit de sortir de la maison et il ne sort plus non plus. Alors, il a tout verrouillé. Sauf, que parfois je me dis qu'il est un peu bête parce que juste à coté de la porte de derrière, il y a la fenêtre de derrière. Et elle, on ne peut pas la fermer à clef. Alors je l'ai ouverte sans faire un bruit. J'ai grimpé sur le rebord et je me suis glissé dans le jardin.

Dehors, tout était calme, pas un bruit. Il y avait une odeur bizarre dans l'air, comme de la cannelle. Et la poudre noire était un peu partout par terre. Toutes les fleurs du jardin étaient mortes. Toutes sèches et rabougries. L'herbe était jaune, comme en plein été quand il y a trop de soleil pour elle. On aurait dit que la poudre tuait toutes les plantes. Alors, je me suis dit que papa avait peut être raison et qu'un des mystères était résolu. La poudre, même la journée, c'est dangereux et il ne faut pas la toucher ou la respirer. Première hypothèse.

Mais malgré cette pensée, j'avais trop envie de revoir Louise, au moins de lui dire bonjour rapidement.

Alors j'ai filé sans un bruit jusqu'aux vieux bacs à fleurs et j'ai grimpé sur le muret. La maison de Louise n'avait pas bougé. Toujours pareille. Sauf qu'il y avait pas un bruit. Comme si il n'y avait personne. J'ai sauté dans leur jardin et j'ai fait quelques pas. Toutes les plantes étaient mortes aussi ici. Je suis arrivé devant leur maison. Ils ont une grande baie vitrée et si on s'approche, on peut voir derrière les rideaux. Papa il dit que c'est très malpoli de faire ça mais là je voulais juste regarder discrètement sans me faire voir. Parce que si les parents de Louise avaient dit à papa que j'étais dehors, il m'aurait tué.

Je me suis approché de la vitre et à ce moment là, papa a hurlé mon nom depuis le muret qui sépare les deux jardins. Il avait le visage tout rouge et il paraissait plus énervé que le plus énervé des papas que l'on puisse imaginer. Il m'a hurlé de revenir là tout de suite. Ça faisait bizarre, ces cris dans tout ce silence. Je pensais que les parents de Louise allaient sortir à cause du bruit mais rien n'a bougé.

Je suis revenu vers le muret et mon père m'a attrapé par le t-shirt d'une manière si brutale qu'il l'a tout déchiré. J'ai eu tellement peur. Là, j'ai su que j'avais fait une maxi bêtise. Il m'a trainé dans la maison en une fraction de seconde, a refermé la fenêtre et m'a dit une seule chose avant de m'envoyer dans ma chambre: « Si tu refais jamais ça, je t'enferme dans un placard. »

J'ai dit pardon, j'ai pleuré mais il a dit qu'il s'en fichait de mes excuses et que j'étais puni jusqu'à nouvel ordre. Et qu'il allait me donner des devoirs pour m'occuper. Et ça c'était plutôt bien parce qu'en fait, j'adore les devoirs alors c'était pas vraiment une punition. J'ai encore dit pardon et je suis monté dans ma chambre. Il est venu un peu après et a cloué la fenêtre pour que je ne puisse pas l'ouvrir. Il a dit qu'il ferait pareil à toutes les fenêtres de la maison. Je lui ai demandé: « Qu'est ce qui se passe, papa ? ». Il a rien dit, m'a regardé et je pouvais voir des larmes dans ses yeux. Il a dit : « Rien, rien, mon cœur » et il est reparti en bas.

 

Donc, l'élucidation de ce mystère est un échec. Quoique je pense quand même que la poudre noire est dangereuse, même la journée. Ça c'est une avancée non-négligeable comme dirait Commissaire Super.

J'aimerai bien récupérer ma radio. Papa a du la cacher quelque part. Mais je vais essayer de ne plus me faire prendre lors des investigations pour mon enquête. Ce serait pas mal parce que papa, je l'ai jamais vu aussi fou qu'aujourd'hui sur le muret du jardin. Il m'a vraiment fait peur.

 

Bon, je vais faire mes devoirs alors à plus tard cher journal.

 

 07 juin 2014

 

Aujourd'hui, j'ai demandé à papa quand on pourrait sortir et il a dit qu'il savait pas. Je lui ai alors demandé si il pouvait me donner une approximation. Il m'a demandé où j'avais appris ce mot. Comme si il savait pas que je lisais beaucoup. J'ai reposé ma question et il m'a répondu non.

« C'est quoi la poudre, papa ? » je lui ai demandé.

« Je ne sais pas exactement mais c'est dangereux. »

« Dangereux comment ? On peut en mourir ? »

« C'est possible. »

« Mais moi, je suis pas mort quand je suis sorti dehors hier. Ça a pas l'air si dangereux. »

« Tant que je ne sais pas ce que c'est, je ne veux pas que tu sortes, compris ? »

J'ai médité ça puis je lui ai posé d'autres questions. J'avais envie de poser des questions.

« Et maman, elle était comment ? »

« Pff, tu m'as déjà demandé ça mille fois, Luca. »

« Oui, mais je me rappelle plus ce que tu m'as dit les mille premières fois. »

« Mon œil. Bon, tu veux savoir quoi ? »

« Elle m'aimait ? »

« Bien sûr. »

« Pourquoi bien sûr ? Tous les parents aiment pas leurs enfants. Regarde le père de Gary, à l'école. Il paraît qu'il le frappe avec une ceinture. »

« C'est quoi ces histoires ? En tout cas, ta mère t'aimait. Je te l'assure. »

« Mais moi, papa, je suis même pas sûr de l'aimer. J'étais tout bébé quand elle est morte. »

« Je comprends ça. »

« Ah bon ? Des fois je m'en veux parce que je ressens pas que je l'aime. Pas comme toi. »

« Il faut pas t'en vouloir, Luca. C'est normal. Tu ne l'as même pas connue, c'est vrai. »

« Elle est morte comment ? »

« Je te l'ai déjà dit. »

« Oui, mais c'était un cancer de quoi ? »

« Du foie. »

« C'est où le foie ? »

« Là. »

« Ah. »

« Oui, voilà. C'est bon ? »

« Papa, je veux retourner à l'école. »

«Bientôt, Luca. Je te le promets. »

« Les devoirs que tu me donnes, ils sont nuls. C'est trop facile. »

« Merci du compliment. Je vais t'en donner qui vont te torturer le cerveau pendant des heures. »

 

Je vous donne ci-joint le problème que papa m'a donné pour m'occuper. Il est super compliqué. C'est un vrai challenge comme dirait Commissaire Super.

 

Un roi a 10 valets qui lui doivent chacun un tribu de 10 pièces d’or de 10 grammes chacune.
Le roi sait "d'une source sûre" que l'un des valets est un voleur et qu'il lui donne des pièces de 9 grammes chacune.
A la réunion suivante tout le monde est présent autour de la table, chaque valet a son petit tas de pièces devant lui.
Le roi dit qu'en une seule pesée il peut savoir lequel d'entre eux est un voleur (le roi possède une balance avec un seul plateau qui affiche le poids au grammes près).

La question étant comment fait il pour savoir en une seule pesée ??

 

 

Là, tout de suite, j'ai pas la réponse mais je vais y travailler. J'aime bien les histoires de voleurs. Ça va m'occuper parce que je m'ennuie. J'aimerais bien récupérer ma radio. J'ai essayé de fouiller un peu aujourd'hui dans la maison mais je n'ai rien trouvé. Juste, je suis tombé sur une vieille guitare électrique dans un placard de la chambre à papa. Je lui en ai pas parlé parce que sinon il saurait que j'ai fouillé mais j'ai bien envie de savoir. Je savais pas qu'il avait joué de la guitare. Et peut-être qu'il y a plein de choses que je sais pas sur mon papa. Il a été enfant aussi et ça, j'arrive pas à me le dire. C'est trop bizarre de l'imaginer enfant, jeune, amoureux de maman que j'ai jamais connue, guitariste de rock ou bien aux États-Unis quand il faisait des études. Il y a plein de mystères chez les parents, pas vrai? Peut-être un jour je ferais une interview de papa avec plein de questions qui me viennent dans la tête. Mais en ce moment, il a l'air très triste et je ne veux pas l'embêter. Je vais me concentrer sur mon énigme du roi et du voleur aux neuf grammes et aussi je vais tâcher de retrouver la radio. Si je la rebranche, je pourrais peut-être parler au monsieur qui parlait avec papa et résoudre cette énigme là.

 

Il s'est passé une chose terrible cet après-midi! Il faut absolument que je raconte ça dans mes mémoires pour que le monde sache ce qui s'est passé. Après être resté dans ma chambre une grande partie de l'après-midi à ruminer cette énigme, je suis descendu rejoindre papa. Il était dans le salon, le visage collé à la baie vitrée. Il avait un fusil dans les mains. Je lui ai demandé ce qui se passait. Il s'est retourné et m'a crié dessus. Il m'a dit de remonter dans ma chambre mais j'ai tenu bon. J'ai bien compris qu'il se passait quelque chose d'important et je ne voulais pas rater ça. Je n'ai rien répondu et je suis resté là où j'étais. Il a crié à nouveau mais je lui ai dit calmement que j'étais plus un bébé et que je voulais savoir ce qui se passait. Il a regardé par la fenêtre et il a dit « Mon dieu.. » en soupirant. Je me suis approché de lui et il n'a rien dit.

  On a regardé tous les deux par la fenêtre. Il y avait un homme sur la pelouse, devant la maison. Il était à terre, comme s'il rampait et il levait un bras vers le ciel comme pour demander de l'aide. Mais le plus bizarre c'est qu'il avait des sortes de petits arbres qui lui sortaient du dos. Il saignait et c'était dur de distinguer bien ce que c'était mais ça ressemblait à des sortes de bonsaïs en verre. Tous biscornus, pas très haut et qui lui sortaient du dos. Il a regardé vers nous, ses yeux étaient tout noirs comme si on les avait peints avec de l'encre de chine. C'était horrible à regarder et j'ai cru que j'allais mourir de peur. Je me suis serré contre papa et il m'a enlacé très fort. Ce n'est rien, il disait. C'est un monsieur qui est très malade. Je me suis mis à pleurer et vous pouvez vous moquer mais je pense que n'importe qui aurait pleuré devant cette scène. Sauf papa, d'accord mais lui, il avait un fusil. Même si je pense pas que ça change grand chose.

L'homme a avancé un tout petit peu en se trainant par terre puis il a gémi assez fort pour qu'on l'entende. Il avait l'air d'avoir mal. Je crois qu'il y voyait pas très bien avec ses yeux tout noirs et qu'il avait rampé jusque là un peu au hasard.

« Qu'est ce qu'il a le monsieur, papa ? »

«  Je ne sais pas chéri, je ne sais pas. Il est..il est malade. C'est peut être les orages, tu sais. Je t'avais dit que ça pouvait être dangereux. »

« Nous aussi on va avoir des choses qui poussent dans le dos ? »

« Non, je ne crois pas. »

« Il faut l'aider papa. Vas-y. »

« Je..je ne suis pas sûr. Il est peut-être contagieux ou dangereux. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. »

« Mais il va mourir ! Il faut aller l'aider, non ? »

« Je ne crois pas qu'on puisse l'aider, Luca. »

L'homme avait arrêté d'avancer. Soudain, il a eu une sorte de spasme bizarre et il s'est relevé lentement. Ses yeux étaient encore tout noirs mais il paraissait y voir maintenant. Il a regardé dans notre direction et il s'est mis à avancer vers nous d'un pas décidé. Papa a levé son arme. Il a ouvert la fenêtre et a tiré en l'air à quelques mètres du monsieur-arbre. Il s'est arrêté et est parti en courant sur la route. Juste avant de sortir de notre champ de vision, il s'est retourné vers nous et nous a pointé du doigt. Puis il a disparu.

Papa a refermé la fenêtre. Moi, j'ai vomi. Par terre, dans le salon. J'étais tout gêné mais papa a dit que c'était pas grave. Il a dit que c'était la peur et que c'était normal. Il m'a nettoyé le visage dans la cuisine puis il m'a mis au lit. Avant de redescendre, il m'a dit de ne pas m'inquiéter, que le monsieur-arbre était parti maintenant. Mais j'avais peur, très très peur et j'ai toujours peur. J'ai peur qu'il revienne dans la nuit et qu'il rentre dans la maison. On ne l'a pas aidé, alors il doit nous en vouloir.

  C'était un monstre comme dans les livres sauf que là, c'est le premier que je vois dans la vraie vie et c'était pas du tout comme dans les livres. Il avait l'air d'un vrai monsieur mais tellement déformé que juste le regarder c'était terrible. Quand je ferme les yeux, je vois son visage et c'est affreux. Ses yeux noirs comme la nuit et ses minuscules arbres transparents qui lui poussaient sur le dos, j'aurai du prendre une photo. Personne ne me croira jamais.

Je sais que papa est avec son fusil en bas et ça me rassure. Je sais qu'il le tuera s'il rentre dans la maison. Il le tuera s'il essaie de me faire du mal. D'un coup de fusil en pleine tête, comme dans les films d'action.

 

Il le tuera s'il veut rentrer. Je sais qu'il le tuera.

 

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