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Drug Stories
16 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 8

 

 Chroniques Blog        DAVID

 

 

Rapport 22/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

 

Sergent David Fresnes.

04/06/2014 10 h 45

 

Le jour vient de se lever sur la base 42-Nord. Nous l'avons atteinte dans la nuit après avoir essuyé la tempête noire sur nos vélos. Nous étions à bout de force, sans moral mais nous l'avons fait tout de même. Le noir total nous entourait vu que la dynamo de nos vélos n'éclairait pas à plus de cinq mètres devant nous. Le vent hurlait et la poudre claquait contre nos vêtements. Nous avions protégé nos visages avec des foulards mais nous avons tous les trois avalé une certaine quantité de ce produit. Nous n'avons, pour l'instant, ressenti aucun effet inquiétant.

 

Lorsque nous sommes arrivés, la base était vide. Nous avons traversé les bâtiments administratifs, le Mess, les quartiers puis les hangars techniques. Pas une trace de vie, personne. Pas de corps. Rien.

Miligrom a supposé que les soldats et les civils de la base avaient été mobilisés ou évacués. Mais, mêlées à la poudre noire jonchant le sol, on a vite trouvé des taches de sang. Petites d'abord puis de plus en plus grandes. On aurait dit qu'on avait trainé les cadavres vers l'arrière de la base. Des pistes sanguinolentes convergeaient vers le terrain d'entrainement.

J'ai enlevé la sécurité de mon arme et nous avons avancé en silence vers la porte du fond du hangar numéro 3, là où toutes les trainées s'arrêtaient. J'ai ouvert la porte sans faire un bruit. Le grand terrain d'entrainement s'étendait devant nous avec ses parcours militaires, ses cibles et la forêt qui lui servait de frontière, plus au nord. Tout était calme.

On pouvait suivre le sang dans l'herbe rase et nous avons continué, dans l'attente de trouver un énorme charnier. En fin de compte, ce que nous avons trouvé était bien pire.

Au fond, près des stands de tir, un homme se tenait, une pelle à la main. C'était un soldat en uniforme. Il creusait.

On s'est rapprochés de lui en essayant de ne pas se faire remarquer. Il y avait un cadavre à ses côtés, il semblait creuser une tombe pour lui. On s'est regardés avec Miligrom et Korg. Ce gars devait avoir creusé une tombe pour chaque type mort là dedans. Il avait eu le courage et la force de faire ce que nous n'avions pas pu faire dans notre base.

Je l'ai interpellé, de loin. Il s'est retourné et j'ai compris que quelque chose ne tournait pas rond. Il avait le regard vide et les pupilles totalement dilatées. Ses yeux ressemblaient à deux billes noires, énormes et inexpressives. Il était livide et essoufflé. Il semblait au bord de l'évanouissement.

Puis Korg a crié. Il a pointé du doigt le terrain de tir en grimaçant. Je n'ai rien vu au début puis ça m'a sauté aux yeux en moins d'une seconde. On voyait des têtes d'hommes dépasser du sol tous les dix mètres environ, alignés comme des poireaux dans le sol sec et poussiéreux.

L'homme avec sa pelle nous regardait, sans dire un mot.

« Qu'est ce que tu as fait ? » lui a crié Miligrom.

« J'ai..j'ai fait,. » l'homme bredouillait, apparemment confus. Il a lâché sa pelle. « Je dois les planter. Pour que. Pour que. Pour que. »

Korg avait les yeux fixés sur les têtes plantées dans le sol. Miligrom et moi, on se tenait là et c'était indescriptible, ce moment. Je ne savais pas quoi faire, pas quoi dire. Ça dépassait les limites de l'horreur, ce qu'avait fait ce type. Et en même temps un tel calme régnait sur le lieu, un tel silence que je n'arrivais pas à m'indigner. J'aurai voulu le détester, lui casser la gueule mais il se tenait là, l'air complètement perdu et j'avais juste envie de partir et de le laisser là, à planter des hommes.

Mais Miligrom s'est approché de lui et l'a poussé en lui hurlant des obscénités. L'homme n'a pas tenté de riposter. Il a juste dit : « C'est eux qui m'ont dit. Ils m'ont dit de les planter. Alors, je les plante. C'est les voix, dans ma tête.. »

Miligrom lui a décoché un coup de poing en plein visage et l'homme est tombé, sans un bruit. Je me suis approché. L'homme semblait mort et après vérification, nous avons constaté qu'il l'était vraiment.

Nous n'en avons pas vraiment parlé avec Miligrom mais il est clair que l'homme était à bout de forces et qu'il serait mort de toutes façons. Le coup de poing a tout juste accéléré les choses. Il avait passé les deux derniers jours à enterrer plus de deux cent cinquante hommes à la verticale dans une terre sèche et dure à l'aide d'une simple pelle. Je ne sais pas qui sont les voix dans sa tête qui l'ont poussé à faire ça mais elle devaient être sacrément convaincantes.

On a retrouvé le reste des cadavres empilées à la lisière de la forêt.

 

On a discuté pour savoir ce que l'on allait faire de tous ces hommes enterrés là mais il a vite été très clair que personne n'avait la force ni même l'envie de déterrer ces pauvres bougres. Alors, on a recouvert leur tête de terre et c'est tout ce qu'on a pu faire pour eux. Miligrom a ajouté : « De toute façon, ils sont morts. » Et j'ai été bien d'accord avec lui.

Après ça, on a fouillé le Mess et on a trouvé du whisky. On a tous bu un coup mais le cœur n'y était pas.

Korg a dit : « C'est qui eux ? Ceux qui lui ont dit de faire tout ça ? A votre avis ? »

« Je crois juste qu'il était fou. » a rajouté Miligrom.

« Je ne sais pas si ça suffit pour justifier tout ça. Il a obéi jusqu'à mourir d'épuisement. »

« Alors, il n'était pas juste fou. Il était complètement taré. »

« Ou peut-être cela a un rapport avec les gens qui ont commencé tout ça. Les Eux. C'est peut-être les gens qui ont lancé cette saloperie de poudre sur nous. »

Miligrom a haussé les épaules et je n'ai rien rajouté. Je ne peux faire aucune conclusion mais je dirais simplement que les yeux de cet homme abritaient bien plus qu'une simple crise de folie. Ils avaient quelque chose d'irréel, de malsain. Comme si un œil humain n'était pas fait pour ressembler à ça. C'était presque... surnaturel. Je ne devrais pas mettre ça dans un rapport officiel mais c'est ce que j'ai ressenti.

Et qui va lire ce rapport de toute façon ? Je commence à me le demander sérieusement.

 

Nous n'avons pas vraiment décidé de la suite des évènements. On va juste dormir un peu pour nous remettre de cette nuit sur les vélos et on avisera à notre réveil.

On va peut-être mettre le cap sur une autre ville. Ou traverser le lac pour atteindre Genève, comme l'a proposé Korg. Je ne sais pas quoi faire. Il faut qu'on sache ce qui se passe et qu'on trouve des survivants.

 

 

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