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Drug Stories
18 août 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 2

Chroniques de la fin d'un monde - Chapitre 2

 

DAVID

 

 

Chroniques Blog

Rapport 19/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

02/06/2014, 08 h 00

Sergent David Fresnes.

 

La rédaction de ce rapport, je me dois de le préciser, s'effectue dans des conditions particulières qu'on pourrait qualifier de catastrophiques. A l'heure qu'il est, soit 23h45, nous recensons dans la base 35-Nord trois cent douze morts. Habituellement, on compte trois cent vingt huit personnes travaillant dans la dite base, militaires et civils confondus. Une dizaine n'était pas de service aujourd'hui.

Le stockage de tous ces macchabées pose un problème immédiat que nous pouvons difficilement régler dans l'immédiat.

Il n'y a que trois survivants sur place qui sont l'officier Martin Miligrom, Luc Korg, un civil travaillant dans les cuisines, ainsi que moi-même. Le civil est en état de choc psychologique grave et refuse de parler depuis approximativement deux heures et demi. L'officier Miligrom tient le coup autant que faire se peut dans une telle situation. Je lui ai demandé de nettoyer tout le dortoir ouest pour qu'on puisse éventuellement y passer la nuit. Tâche inutile s'il en est mais je crois qu'il est mieux ainsi, occupé.

Nous passerons peut être la nuit ici mais pas plus. Nous ne pouvons pas déplacer et incinérer plus de trois cents cadavres et les risques sanitaires sont énormes. De plus, la cause de la mort est inconnue bien que très certainement liée à l'inhalation de ce « sable noir » qui s'est déversé sur tout le périmètre hier soir pendant plus de trois heures à la fin desquelles tous ces gens sont morts. Nous ne pouvons prendre le risque de rester trop longtemps à leur contact même si le « sable » ne semble pas avoir eu d'effets sur nous trois. Mais cette hypothèse reste à vérifier.

 

La description des faits sera laborieuse et peut être ce rapport y gagnerait à être écrit dans un ou deux jours, à froid, mais je dois dire qu'à l'instar de Miligrom, j'ai besoin de m'occuper. De plus, revenir à tête reposée sur les faits me permettra peut être d'y comprendre quelque chose, pour peu qu'il y ait quelque chose à comprendre.

 

Tout a commencé à 15 h 30 environ. Nous avons reçu une alerte météo à propos d'un phénomène magnétique intense qui se dirigerait sur notre territoire mais aussi sur d'autres zones comme l'Europe de l'ouest et l'Afrique du nord. Il a été impossible d'obtenir plus d'informations de la part du service météorologique et aucune instruction n'a été donnée par le commandement qui, je dois bien l'admettre, n'en savait pas plus que nous.

Ce « phénomène magnétique » a été décrit comme intense mais inoffensif à priori. La source de ce rayonnement n'a alors pas été mentionnée. Et à l'heure où j'écris ce rapport, le mystère n'a toujours pas été élucidé.

A 15 h 42, heure qu'affiche toujours ma montre, tous les appareils électriques ont arrêté de fonctionner, le courant a été coupé et même le circuit de secours ne s'est pas lancé. Nous avons voulu mettre en route les générateurs pour réalimenter la base mais ils ne fonctionnaient plus. Ce sont des générateurs modernes, avec beaucoup d'électronique. Tout objet qui utilise des circuits imprimés ou des composants électroniques est hors-service. Même nos véhicules sont H-S. Ils refusent de démarrer.

Un vent de panique a alors soufflé sur la base. Toutes les communications étant coupées, nous n'avons eu aucune information supplémentaire quant à la nature de cet événement. Une guerre semble être démarrée mais l'ennemi reste énigmatique. Personne n'est en froid avec la Suisse depuis des décennies. Mais l'avenir nous le dira peut être. Je pense que des soldats ne tarderont pas à débarquer s'il s'agit bien d'une déclaration de guerre. Sans appareils électriques, nous serons bien démunis.

Les discussions allaient bon train mais le commandement s'est refusé à faire un seul commentaire. Selon eux, on ne tarderait pas à recevoir des instructions dès que les communications reviendraient.

On a attendu plus de deux heures sans qu'il ne se passe rien.

 

Puis le ciel s'est assombri en l'espace de vingt minutes, à peu près. Et une tempête s'est mise à souffler dehors. Il faisait nuit noire à l'extérieur alors qu'il était encore tôt. Les officiers de garde à l'entrée du bâtiment sont rentrés en courant, affolés. Un officier supérieur leur a crié de retourner à leur poste mais ils n'y ont même pas prêté attention.

Ils ne faisaient que répéter: « C'est du sable ! Du sable noir ! »

Très rapidement, la tempête a encerclé le bâtiment et cette poudre noire est entrée par chaque orifice, chaque conduit d'aération, chaque espace sous les portes. Une odeur d'humus en décomposition a envahi la grande pièce principale dans laquelle je me tenais avec quelques cinquante soldats et civils de la base.

Ce fut très chaotique à partir de ce moment-là. Des hommes ont commencé à s'écrouler au sol en se tenant la gorge. Ils paraissaient s'étouffer. Beaucoup ont voulu les aider mais ont succombé à leur tour, très rapidement. D'autres ont fui dehors en courant au vu de l'hécatombe et nous avons retrouvé leur corps à moins de cent mètres de la base ce matin.

Après environ une heure, la tempête a baissé en intensité et on s'est retrouvés Korg, Miligrom et moi, seuls rescapés de ce carnage incompréhensible.

Je dois dire que sous l'effet de la surprise nous n'avons même pas pensé à aller enfiler les masques à gaz. Cependant, il me semble assez clair que cette poudre n'a eu aucun effet sur nous. Et n'en aura pas, à priori. Miligrom redoute de succomber dans les jours qui viennent mais nous n'avons pas le moindre symptôme.

S'il s'agit d'une attaque au gaz toxique, cela ne ressemble à rien de connu. Cette poudre, ou ce sable, a des propriétés fulgurantes qui restent à analyser. Toute la base a été décimée en moins d'une heure. Il n'y a pas de mots pour raconter ça.

Et cette odeur très forte d'humus en décomposition me rappelle une substance organique et moins chimique que les gaz toxiques généralement utilisés.

Le reste de la nuit fut passé à essayer de rétablir les communications. Sans succès. Nous n'avons pas dormi et je ne crois pas que nous ayons envie de dormir dans cet endroit au milieu des cadavres d'anciens amis ou collègues. J'ai passé plusieurs heures à recouvrir les corps de draps de lit. Et chaque visage familier fut une torture à contempler.

 

Nous avons trouvé des cadavres d'insectes et de rats un peu partout autour de la base et les chiens d'attaque, une cinquantaine de bergers allemands, sont tous morts.

Nous devons partir sans tarder. Il y a des vélos dans le hangar B. Cela paraît ridicule mais nous allons devoir partir avec. Aucun véhicule ne fonctionne.

 

Je ne sais pas ce qui se passe mais c'est très grave. Les gens qui ont fait ça vont devoir payer. Je ne veux pas imaginer à quelle échelle ces attaques ont été menées mais si tout le pays a été touché par la tempête, il doit rester bien peu de survivants. Mais je préfère ne pas y penser et imaginer que seules les bases militaires ont été visées.

On doit sortir Korg de son état de léthargie et partir. Le plus vite possible. Nous irons vers Lausanne à la base la plus proche, à l'entrée de la ville. La 42-Nord. Ils sont plus de deux mille là-bas. J'espère que l'on trouvera des réponses.

 

 

 

Rapport 20/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

Sergent David Fresnes.

02/06/2014, 14 h 00

 

Nous avons organisé le départ. Trois vélos en bon état, de l'eau pour trois jours, des vivres et des armes.

Korg ne sait pas tirer mais le seul fait de lui donner une arme l'a rassuré. Bien entendu, je ne l'ai pas chargée. Il devra passer par moi pour se fournir des munitions, en espérant que cette situation ne se présentera pas.

Il est toujours en état de choc émotionnel mais il s'est plus ou moins réveillé. Il a compris qu'on allait partir et il sait au fond de lui pourquoi on doit partir mais il continue de chercher des collègues morts en criant leur nom dans toute la base. Les gens qu'il appelle gisent à ses pieds, morts.

Avec Miligrom, nous avons décidé de ne rien dire. Il sortira bien assez tôt de cet état d'illusion. Il en a surement besoin à l'heure qu'il est.

Néanmoins, son état psychique nous permet de l'emmener avec nous.

La nuit ne va pas tarder à tomber et bien que cela ne nous enchante pas, nous avons décidé de passer la nuit ici au cas où une autre tempête ne se produise et pour des raisons de sécurité évidentes. Nous dormirons à l'écart, dans les garages, à une centaine de mètres du bâtiment principal.

Les communications ne fonctionnent toujours pas. Nous n'en savons pas plus pour l'instant. C'est bien ce qu'il y a de pire dans cette situation. En l'absence d'ordres directs, nous faisons ce qui nous semble le plus approprié, c'est à dire rejoindre un autre groupe moins touché et se joindre à eux. Nous espérons les trouver en vie.

 

Je n'ai pas la possibilité d'avoir de nouvelles de ma famille. Miligrom non plus. Mon domicile privé se trouve très loin de la base mais celui de Miligrom est entre ici et la 42-Nord.

Bien que nous nous trouvions dans le cadre d'un cas d'urgence militaire de haute importance, je lui ai promis que l'on ferait un détour par sa maison personnelle pour s'enquérir de la bonne santé de sa famille.

Qu'on me jette la première pierre pour cette entorse au règlement, je l'assumerai.

Korg n'est pas arrivé à tenir des propos suffisamment cohérents sur sa famille ou son lieu de résidence. Nous n'avons pas insisté.

 

Nous partons demain à 6 h 30 du matin.

 

23 h 30

 

La tempête de sable noir est en train de se répéter. On peut l'entendre s'abattre avec fracas sur les parois en tôle des garages. Nous sommes tous trois réveillés. Nous attendons que cela cesse.

Korg se balance d'avant en arrière en marmonnant une sorte de prière. Ce n'est pas vraiment bon signe.

Du sable s'infiltre par les espaces sous les portes et par les vitres cassées du fond du bâtiment. Une odeur de chien mouillé a envahi l'air. Cette poudre est en fait bien plus fine que du sable. On dirait en fait du poivre mais en plus humide.

Je n'ai aucune idée de ce que cela peut être mais j'ai au moins la certitude que nous sommes immunisés car nous n'avons aucun symptôme, ni toux, ni saignements nasaux, rien. Mais si des gens non-immunisés avaient survécu à la nuit dernière, il est possible qu'ils ne résistent pas à celle-ci.

Il n'y a pas eu de bruits d'explosions ou d'avions passant en rase motte pour déverser cette poudre. Je me demande bien comment elle est amenée jusqu'ici. Par le vent ? Les tempêtes sont extrêmement rares par ici...

 

Beaucoup de questions et peu de réponses.

 

Il semble que, malgré tout, nous ne craignions rien cette nuit. Il est temps de dormir et de reprendre quelques forces, je m'en vais le dire aux deux autres.

 

 

 

 

 

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