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Drug Stories
22 septembre 2012

Chroniques de la fin d'un monde - CHAPITRE 11

Chroniques Blog

DAVID

 

 

Rapport 23/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

Sergent David Fresnes.

 

05/06/2014 08h00

 

On a passé une autre nuit à écouter la tempête passer. On a fini le whisky et tout le monde a un peu la gueule de bois. En me réveillant, j'ai espéré avoir fait un mauvais rêve. Mais la base de Lausanne était toujours aussi vide et les hommes plantés en terre étaient eux aussi encore là .

On va laisser tomber les vélos, on se déplace comme des escargots. La chose qu'il nous reste à faire, c'est de rejoindre Genève. Je ne vois pas autre chose. Pour le moment, on est plus des militaires, juste des survivants. Je continue les rapports néanmoins. Autant pour moi que pour les gens qui voudront en savoir plus sur ce qui s'est passé.

Le plan est de rejoindre la rive du lac Léman, de prendre un bateau et d'atteindre Genève le plus rapidement possible. Si les moteurs des bateaux ne fonctionnent plus, on ramera. A trois hommes, on devrait avancer rapidement. Il y a une quarantaine de kilomètres.

Ça me paraît la meilleure option.

Je n'arrive pas à m'enlever ma femme et ma fille de l'esprit. J'espère qu'elles vont bien. Mais je n'ai aucun moyen de le savoir. Aucun téléphone ne fonctionne, bien sûr. Je dois juste mettre ça de coté pour l'instant. C'est pas évident.

Ce qu'on va trouver à Genève, Dieu seul le sait. J'imagine que si Lausanne a été attaquée, Genève doit aussi l'avoir été.

 

Korg va très mal. Il tremble et semble plutôt instable. J'ai peur qu'il nous fasse quelque chose d'inattendu, de stupide. On essaye de lui parler avec Miligrom, de le garder sous contrôle mais plus le temps passe plus il sombre dans la folie, ça me paraît assez clair. Il parle d'histoires qui lui est arrivé au lycée, ça n'a aucun sens. Il est brulant de fièvre. Je suis allé voir dans la pharmacie de la base si il n'y avait pas des calmants mais d'une, je n'y connais rien et de deux, on a besoin qu'il soit en forme, pas avachi de tranquillisants.

Il faut le surveiller.

Nous partons bientôt en direction des embarcadères de Lausanne, sur la rive nord du Lac Léman. Direction Genève.

 

13h00

 On a enfin atteint les rives de la ville. On a croisé personne sur la route, que des cadavres, des voitures renversées dans les fossés, du silence et une odeur pestilentielle. Des milliers de corps en décomposition. Tout le monde est mort dans les stands de location de bateaux. Voir ce massacre, ça commence à me taper sur les nerfs. J'ai parfois envie de pleurer, brusquement mais je me retiens pour donner le change. Miligrom a l'air abattu et Korg pleurniche en murmurant des phrases incompréhensibles. On fait une belle équipe.

Je n'ai jamais vu autant de morts de ma vie.

L'eau du lac est noire. Noire comme la nuit. Toute cette poudre s'est mélangée aux eaux. Tous les poissons doivent être morts, j'imagine. C'est une vraie saloperie.

On a choisi un bateau. Tous les moteurs sont HS, il va falloir ramer. Miligrom est parti chercher des bouteilles d'eau dans les boutiques touristiques. Dès qu'il revient on part.

 

13 h 30

Korg l'a vu en premier. Il y a quelque chose dans le lac à approximativement quinze kilomètres. Une sorte de grand cylindre blanc. On dirait un ballon à gaz, mais en vingt fois plus grand et à la verticale, qui sort de l'eau. Je connais bien cette rive là du lac et je n'ai jamais vu cette chose auparavant. Ça a peut-être un rapport avec les événements des jours passés. Le cylindre se trouve à mi-chemin entre nous et Genève. Nous passerons y jeter un coup d'œil.

Korg en a terriblement peur et il refuse même de monter sur le bateau à présent. Il dit que des voix lui parlent directement dans la tête et qu'elles viennent du grand cylindre blanc. Des voix méchantes ,qui se moquent de lui. Il pète complètement les plombs. On a essayé de rester calme avec Miligrom et je crois qu'il s'est un peu détendu. La perspective de rester seul à Lausanne ne l'a pas plus emballé que ça. Il n'a pas trop le choix que de nous suivre.

Tout est prêt, nous partons.

 

Rapport 24/222 Division 35-Nord Regroupement de Lausanne

Sergent David Fresnes.

 

06/06/2014 12 h 00

Nous avons enfin atteint les rives de Genève. Le port est noyé dans la brume et il est impossible d'y voir à plus de dix mètres. Il n'y a pas un bruit et j'imagine le pire. Nous n'avons pas vu de cadavres mais pas de survivants éventuels non plus. Nous allons devoir avancer dans la ville pour en savoir plus.

Pour le moment, je me dois de relater la traversée du lac Léman qui a tourné au véritable cauchemar. Korg est mort. Du moins, disparu. Mais sûrement mort. Les choses vont en empirant et je ne sais pas ce que nous allons devenir avec Miligrom. J'ai peu d'espoir. Très peu d'espoir et bientôt plus d'énergie pour aller plus loin. Je me sens las, miné par la peur et l'incertitude. Je ne m'en cache plus devant Miligrom qui, de toute manière, ressent la même chose. Nous sommes dans la même merde désormais.

 

J'ai mis mes affaires ainsi que les rapports dans un sac imperméable de l'armée et on est partis du quai de Lausanne vers 14h00. C'était déjà un peu tard mais j'avais bon espoir qu'on parcourt les quarante kilomètres avant la tombée de la nuit, en ramant bien. Cependant, dès les premières minutes, il est apparu assez clairement que l'eau s'était épaissie considérablement sous l'effet de la poudre noire. On avançait deux fois plus lentement que prévu. Korg n'y mettait pas beaucoup du sien non plus, il chouinait et appuyait mollement sur sa rame. Il paraissait mort de peur, il fixait constamment le cylindre blanc au loin.

Les heures ont passées rapidement et on était à peine à portée du cylindre. Il devait faire une soixantaine de mètres de haut pour quatre-cinq mètres de diamètre. Tout en haut était peint en noir une sorte de signe. Une lettre ou un logo. Difficile à dire. Je n'en avais jamais vu de pareil. Le cylindre s'enfonçait tout droit dans l'eau. Je ne connais pas la profondeur du lac a à cet endroit mais la partie immergée du cylindre devait au moins faire le double de sa partie visible.

Vers 18h00, on est arrivés à la base du cylindre. Korg s'est roulé en boule au fond du bateau en se bouchant les oreilles. Il disait entendre ces voix qui lui disaient des choses horribles. Il voulait qu'on s'éloigne du cylindre. Je ne sais pas s'il était complètement fou ou s'il y avait un peu de vrai dans ce qu'il disait. Je dois dire que le cylindre me faisait un drôle d'effet. Il me fascinait, j'avais du mal à détourner mes yeux de son sommet et Miligrom aussi. On est restés là , à le regarder pendant bien trop longtemps. La nuit tombait mais on ne s'en est pas vraiment rendus compte. On est restés là , subjugués. Il faut dire que ce truc dégageait une certaine beauté, une splendeur indescriptible. Il avait un air majestueux. La peinture blanche qui le recouvrait était plus blanche que n'importe quelle nuance de cette couleur que j'aie jamais vu dans ma vie. C'était bizarre. Miligrom avait la bouche ouverte et le nez levé vers le sommet où la lettre noire ressortait brutalement sur le fond blanc. Il ne disait rien, il avait lâché sa rame depuis longtemps.

Je me suis réveillé de ma transe alors que le soleil se couchait à l'horizon. J'ai bousculé Miligrom qui m'a regardé, l'air hagard. Il a repris sa rame dans un sursaut et on s'est mis à ramer comme des dingues, conscients qu'on allait essuyer la tempête en plein milieu du lac si on accélérait pas. Korg est resté lové au fond du bateau, sans dire un mot.

Mais c'était trop tard et on le savait. On ne serait jamais arrivés à Genève avant l'heure du sable noir. Et il était évident que la région du lac n'était pas exempte de tempêtes, vu la couleur de l'eau.

On s'éloignait du cylindre quand on l'a entendu bouger. Un bruit métallique, comme un panneau de fer qui glisse sur un autre. On s'est retournés et on a vu des tiges noires sortir du cylindre, un peu partout. Il ne s'est rien passé pendant un moment, on est restés là , dans l'expectative puis du sable noir s'est mis à sortir en véritables nuées des tubes. Des kilos et des kilos en quelques secondes. Il s'est mis à tournoyer dans les airs avec une vitesse et une force incroyable. Il n'a fallu que quelques instants pour qu'on soit complètement noyés dans cette poudre noire puant l'humus. Sur le bateau, ça a été la panique. On s'est débattus comme si on était attaqués par un essaim d'abeilles mais c'était totalement inutile. On a avalé des pleines bouchées de sable humide et poisseux en quelques secondes.

Dans un éclair de génie, j'ai réussi à crier aux autres de renverser le bateau et de se cacher en dessous, dans l'eau. Miligrom s'est jeté à l'eau et je l'ai suivi. On a retourné l'embarcation comme on a pu et on s'est retrouvés en dessous dans le noir le plus total, haletant, morts de peur mais vivants.

Korg avait disparu. Dans la panique, il s'est sûrement noyé.

Miligrom m'a affirmé que juste avant de retourner le bateau, Korg n'était déjà plus là . Il en est sûr et certain. Il dit s'être retourné pour l'aider mais qu'il n'était plus là . Il s'est surement jeté à l'eau avant nous mais Miligrom dit qu'il n'a rien entendu.

La survie de Korg n'aura pas été autre chose que souffrance. Il aurait mieux fait de mourir avec tous les autres, ce soir là . J'espère que là où il est, il est serein et que les voix dans sa tête ont disparues.

 

On a continué à avancer comme on pouvait, à l'abri sous le bateau. Ça a paru interminable mais la tempête a fini par se calmer. On a remis le bateau sur l'eau et on a fini la traversée sans un bruit. On pouvait voir Genève au loin, totalement plongée dans un nuage blanchâtre de brume épaisse. On a plus reparlé de Korg. Quelque part, je suis un peu soulagé qu'il ne soit plus avec nous, il aurait fini par faire quelque chose de stupide. Il ne savait plus où il était, ce qu'il disait. Il avait totalement déraillé.

 

14 h 00

On a chargé les armes. Il faut qu'on avance maintenant mais avec toute cette brume, ça va pas etre facile. On ne voit rien du tout. Le jour est en train de se lever mais le soleil nous éblouit, rendant la visibilité encore plus mauvaise. On perçoit quelques bruits étouffés au loin mais impossible de dire ce que c'est.

Je connais mal Genève. C'est Miligrom qui va nous guider jusqu'au centre-ville. Dieu seul sait ce qu'on va y trouver.

 

15 h 30

Il y a des gens là bas. Dans la brume. Ils parlent bizarrement. Miligrom voulait y aller mais je l'ai arrêté. On ne sait pas qui c'est.

 

16 h 00

On s'est cachés dans un petit magasin le liqueurs. La brume est partout, on ne voit pas à dix mètres. Il y a de l'agitation dans la rue plus loin mais impossible de savoir ce qui s'y passe. Il y a des personnes qui parlent mais soit leurs paroles sont déformées par le brouillard soit ils parlent une langue vraiment étrange. C'est assez guttural. Je préfère qu'on reste là encore un peu. Miligrom est d'accord, je crois qu'il a peur.

 

18 h 00

Il n'y a plus un bruit maintenant. Ils ont du partir. Je ne sais pas qui c'était. Miligrom pense qu'on aurait du y aller, que c'était surement les secours. Mais je sais qu'on fond de lui, il ne le pense pas. On a bien fait d'être prudents.

On va dormir dans ce magasin. On est a l'abri ici, bien cachés. On verra demain, en espérant que la brume sera tombée et qu'on y verra plus clair.

 

 

 

 

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